Immunité au Covid : les anticorps protecteurs contre le virus restent présents plus de 12 mois

Par Cécile de Sortiraparis, Laurent de Sortiraparis · Publié le 19 mai 2021 à 15h51
Combien de temps est-on immunisé contre la Covid ? Une question sur laquelle se penchent les chercheurs du monde entier qui trouvent des réponses différentes. Selon une nouvelle étude menée par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, les anticorps protégeant contre le coronavirus restent présents plus de 12 mois dans le corps, et leur efficacité est accrue par le vaccin.

Une immunité contre la Covid-19 variable en fonction de la forme contractée ? C'est ce que semblent dire les différentes études menées sur le sujet, quant à l'efficacité des anticorps et la durée de leur présence dans l'organisme. Une durée qui, selon les chercheurs de la Sorbonne, l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, l’INSERM et l’Institut Pasteur, irait pour certaines personnes jusqu'à maximum deux ou trois mois. C'est en tout cas ce que révèlent leurs travaux, publié dans la revue Nature Communications lundi 8 février 2021.

Que dit plus précisément cette étude ? Que les anticorps neutralisants disparaissent progressivement de l'organisme, parfois même rapidement, deux mois après contamination pour ceux ayant contracté une forme modérée de la maladie. Pour en arriver à ces résultats, les chercheurs ont étudié, selon nos confrères de BFMTV, « le temps d’apparition et la persistance des anticorps de personnels soignants ayant fait une forme modérée du Covid-19. »

« L’ensemble de ces professionnels a développé des anticorps entre 2 et 4 semaines après le début des symptômes ainsi qu’une réponse neutralisante au SARSCoV-2", expliquent ainsi les scientifiques dans un communiqué. Et de poursuivre en indiquant que ces anticorps, les OgA systématiques, "déclinent rapidement, dès deux mois après le début des symptômes ». Et de conclure  : « malgré cette diminution de la réponse neutralisante, le taux des anticorps IgG, habituellement considérés comme protecteurs et à longue durée de vie, se maintient entre deux et trois mois après le début des signes. »

Ça veut dire quoi ? Que le corps génère rapidement des anticorps, mais qu'ils disparaissent tout aussi rapidement. Des résultats qui vont à l'encontre de ceux d'autres études, comme celle menée par des chercheurs australiens, publiée mardi 22 décembre 2020 dans la revue Science Immunology. Que nous dit cette étude ? Après avoir analysé des échantillons de sang prélevés sur 25 patients, tous atteints du coronavirus. Des échantillons qui ont ainsi été comparés à ceux d'un groupe test, en bonne santé, puis ces derniers y ont inséré le virus pour voir comment le sang réagissait.

Une étude qui montre que huit mois après avoir été contaminé, comme l'expliquent nos confrères de France Culture, « les lymphocytes B à mémoires se souviennent du virus et produisent rapidement des anticorps protecteurs ». Les chercheurs ont également réussi à montrer que ces lymphocytes T avaient reconnu « l'un des deux composants du SARS-CoV-2 :  les protéines de pointe et de nucléocapside »

Faut-il pour autant se faire vacciner immédiatement après avoir été contaminé par la Covid ? Une question à laquelle a répondu Guy Gorochov, chef du département d’immunologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, chez nos confrères de La Dépêche : « Pour les personnes les moins à risques, non prioritaires, on peut envisager un délai entre six mois et un an après la contamination au Covid-19 », explique le médecin, a contrario de ce que préconise la Haute autorité de Santé, évoquant un délai de trois mois.

Une publication de Science Immunology qui fait également écho à une autre étude, diffusée en preprint le 16 novembre dernier par une équipe de chercheurs de La Jolla Institute of Immunology. Celle-ci a analysé les échantillons de sang de 185 personnes ayant été malades de la Covid, avec de faibles symptômes, et qui a donné des résultats plutôt encourageants puisque six mois après l'infection, toutes les personnes ayant participé à l'étude avaient encore une réponse immunitaire forte.

En quoi a consisté cette précédente étude, plus précisément ? Les chercheurs de l'Institut ont analysé dans le sang des patients trois types de réponses immunitaires : les anticorps, les lymphocytes T qui détruisent directement les cellules contaminées, ainsi que les lymphocytes B, qui sécrètent des anticorps. Selon nos confrères de Francetvinfo, « même en cas de réinfection, une telle mémoire immunitaire permettrait de ne pas développer de forme grave de la maladie pendant des années. »

« On craignait que pour les personnes qui ont contracté des formes mineures de ce coronavirus, la réponse immunitaire soit relativement courte. Mais attention, on a peu de retours sur cette maladie », commentait mercredi 18 novembre le professeur Arnaud Fontanet au micro de nos confrères de France 2. Une bonne nouvelle donc et une étude qui complète les précédentes sur le sujet, confortant l'idée d'une immunité longue.

Une immunité qui se précise au fil des mois

En parlant des précédentes études, deux autres, l'une américaine, l'autre canadienne, publiées toutes les deux dans la revue Science Immunology le 8 octobre 2020, avait attiré l'attention des scientifiques du monde entier. Deux études qui établissaient un constat, celui de la durée de l'immunité contre la Covid-19 après avoir été contaminé et avoir développé des anticorps neutralisants.

Ainsi donc, selon les résultats publiés, ces anticorps neutralisants persisteraient au moins trois mois après l'apparition des premiers symptômes chez les patients atteints de la Covid-19. Du côté de l'étude canadienne, les chercheurs ont examiné, comme nous l'expliquaient nos confrères du Monde, « sur une période de 115 jours (plus de 16 semaines, soit environ 4 mois), la réponse en anticorps dirigée contre le SARS-CoV-2, à la fois dans le sang (sérum) ou dans la salive, chez 439 et 129 patients Covid-19 respectivement ». Des résultats ensuite comparés à d'autres, obtenus sur 339 "sujets témoins".

Qu'ont-ils donné ? Que des anticorps igG (immunoglobuline G), spécifiques à la Covid-19 ont été détectés entre 16 et 30 jours après l'apparition des premiers symptômes, pour ne décroître qu'après 105 jours (soit un peu plus de trois mois). D'autres anticorps, les igA et igM, ont en revanche rapidement disparu du sérum (le sang débarrassé de ses cellules et des protéines de la coagulation) et de la salive. Toujours selon nos confrères du Monde, qui citait l'étude, dans le sérum, « le taux des anticorps neutralisants a atteint sa valeur maximale entre J31 et J45 après le début des symptômes puis a lentement diminué. Il était bas à J105, chutant encore entre J105 et J115 », le tout se maintenant sur une période de trois mois.

Du côté de l'étude américaine, même constat : 95% des patients ayant participé ont développé des anticorps igG anti-RBD 14 jours après l'apparition des symptômes, avec un pic du taux des anticorps igM à 38%, survenant avant l'apparition des anticorps igG. Le taux d'anticorps igG a lentement diminué sur une période de 90 jours avant de disparaître. Au-delà de cette période, seuls 3 patients avaient encore des anticorps igG détectables. Une étude qui a compris 343 patients et qui s'est étendue sur 122 jours.

Pour rappel, une étude avait déjà été menée en août dernier quand une possible immunité, après avoir constaté l'apparition d'anticorps neutralisants chez plusieurs marins sur un navire.

Des résultats plus optimistes

Plusieurs mois après ces études, et un an après le début de la pandémie, les chercheurs des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont mené une nouvelle étude sur la durée de persistance des anticorps après une contamination au Covid-19.

Avec un recul plus important que leurs confrères, les scientifiques de Strasbourg ont pu étudier pendant un an 1 309 membres du personnel hospitalier dont 393 ayant eu une forme légère du SARS-CoV-2 et 916 n’ayant pas contracté l’infection. 

Leurs analyses apportent des conclusions plus optimistes encore que les études précédemment citées : selon eux, les anticorps protecteurs sont toujours présents chez les patients, plus de douze mois après leur infection. Mieux encore : les vaccins permettent de renforcer leur efficacité.

« Les chercheurs ont montré que chez les COVID-19 positifs, les anticorps dirigés contre la protéine spike du virus (anti-S) baissent plus rapidement chez les hommes que chez les femmes, mais persistent chez presque tout le monde jusqu’à 13 mois après l’infection », lit-on dans le communiqué de l'hôpital.

Avec une seule dose de vaccin, les chercheurs ont constaté une forte augmentation du nombre d'anticorps chez le sujet, quel que soit le vaccin utilisé. De plus, les médecins des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont observé que le risque de réinfection est réduit de 96,7% grâce à la présence des anticorps.

« En augmentant de manière significative les titres d'anticorps protecteurs, une vaccination à dose unique renforce la protection contre les variants », affirme le Pr Samira Fafi-Kremer, cheffe du service de virologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

Une très bonne nouvelle qui permet d'envisager le futur de façon plus optimiste. Cette étude devrait également permettre de revoir le plan de vaccination pour éventuellement mettre en place un rappel de vaccin moins fréquent.

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