Belgica : interview du réalisateur Felix Van Groeningen

Par · Publié le 23 février 2016 à 9h53
Rencontre avec le grand réalisateur belge Felix Van Groeningen - connu pour La Merditude des choses et surtout pour Alabama Monroe (César du meilleur film étranger en 2014) - autour de la sortie de son nouveau film Belgica, le 2 mars 2016.

A l'occasion de la sortie de Belgica, nous avons rencontré Felix Van Groeningen, réalisateur de La Merditude des choses et de l'excellent Alabama Monroe (César du meilleur film étranger en 2014, nominé aux Oscars la même année). Un entretien intéressant avec un cinéaste doux et farceur, aux antipodes de l'image très rock'n'roll que nous nous faisions de lui à travers le prisme de ses longs métrages.  

Belgica
est sans doute le plus personnel de vos films (pour l’instant). Est-ce une version romancée de votre propre jeunesse ? Comment la fiction s'y est-elle mêlée ?    

En fait, c’est un peu plus compliqué. C’est effectivement un monde que j’ai côtoyé, mais ce n’est pas vraiment mon histoire. Quand j'étais jeune, mon père a ouvert un bar qui n'a pas très bien évolué ; il l’a vendu à deux frères qui ont beaucoup inspiré mon film. Ce n’était pas si facile de mélanger réel et fiction : il faut élaborer une traduction, prendre beaucoup de recul pour faire quelque chose d’intéressant, pour transformer les personnes existantes en personnages.  
Je ne veux pas que mon film soit vu comme le film du Charlatan (qui est très connu en Belgique), même s’il y a évidemment beaucoup de similitudes. J'ai demandé aux deux frères de me parler de leur histoire pour nourrir mon film, et ils m’ont accordé une grande confiance. 


La musique occupe toujours une place très importante dans vos films - comme dans votre vie, j'imagine. Quel rôle joue-t-elle dans le récit ? 

En réalité, la musique occupe beaucoup moins de place dans ma vie que dans mes films. Elle est toujours liée à un de mes projets ; pour Alabama Monroe, je n'ai écouté que du bluegrass pendant trois ans. La musique m’aide à faire mes films, je l’utilise pour écrire - ça m’aide à rentrer dans une émotion qui est importante pour un projet. Du coup, mes gouts musicaux sont assez cycliques et difficiles à décrire.

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Avez-vous mis longtemps à trouver les acteurs de Belgica ? Avez-vous pensé à Verlee Baetens pour interpréter l’un des personnages féminins ?

Il se trouve qu’un acteur assez connu qui devait jouer dans Belgica a finalement quitté le film avant le tournage. En général, je trouve mes acteurs principaux assez rapidement, entre l'écriture de la première et la deuxième version du scénario. Les autres acteurs, plutôt pendant la pré-production.
Je n'ai pas spécialement pensé à Verlee Beatens pour Belgica ; c'est toujours un peu gênant de proposer un petit rôle à un acteur qui était au premier plan dans un film précédent. Et puis Verlee est absolument incroyable, elle doit avoir des tonnes de propositions !
 

Selon vous, les différences entre les deux frères ont-elle causé la dégradation du Belgica ?

En partie oui. Les différences entre Frank et Jo sont très importantes, mais il y a beaucoup d’autres causes qui expliquent la dégradation du Belgica. A vrai dire, les différences entre ces deux personnages sont plus importantes pour la dynamique du film que pour l'évolution du café.


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Vous dites que le café est une mini-société, et que Belgica est l’histoire de milliers d’entrepreneurs. Quel est le message que vous voulez leur adresser ?

Ne commencez jamais quelque chose ! Plus sérieusement, l'histoire du Belgica est celle de beaucoup de belles choses qui finissent par vriller : des cinémas, des boites, des magazines, des restaurants, des maisons de production. Ces sociétés grandissent, grandissent, jusqu'à en vouloir trop. Il faut faire gaffe... Mais d'un côté, ça fait partie de l’homme. Puis on aime aussi les histoires parce qu’on apprend des conneries des autres, non ?

Je trouvais ça intéressant de raconter l'histoire d'une micro société comme un bar pour montrer ce qui se passe dans notre société. Car finalement, c’est très actuel : les frontières, l’extrême droite… Notre regard sur notre avenir change, les gens ont peur, on remet en question notre éthique - de la même manière que mes personnages avec leur bistrot. 
 

Vos films traitent de passion. La passion amoureuse dans Alabama Monroe, et une passion d’entreprendre dans Belgica. Tout commence de manière intense dans la joie et l'euphorie, puis tout finit par se dégrader, par perdre de sa splendeur - Le Belgica comme la relation d’Alabama Monroe. Est-ce quelque chose d’inévitable ?

Oui, je pense qu’un bon film doit avoir un drame. Ma copine et moi, ça fait 8 ans qu’on est hyper amoureux, mais je ne pense pas que ça ferait un très bon film – ce serait juste boring ! Pour Alabama Monroe, j’avais tenté une version chronologique au montage – ce n'était pas intéressant du tout ! Ils étaient heureux toute la première moitié du film, et c'était d'un ennui mortel. Il faut trouver la beauté dans la mélancolie 
 

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Belgica aborde les thème du monstrueux et de la métamorphose. On crée quelque chose qu’on ne peut finalement plus contrôler... 

A la base, le terme de "monstre" apparaissait carrément dans le dialogue, mais c’était trop littéral. Ceci dit, l’idée est restée. Tout à coup, c’est cette chose qu'on pensait contrôler qui nous contrôle. 
Ce qui est drôle, c’est que même dans le montage, on s’est dit que ce film était vraiment un monstre, dans le sens où c’était très compliqué de trouver une cohérence entre les différents styles de séquences tournées… Mais heureusement, je crois que nous avons quand même réussi à dresser le monstre !
 

Quels réalisateurs (ou quels films particuliers) vous ont donné envie de réaliser vos propres films ?

Le cinéma m’a toujours beaucoup parlé. Très jeune, j’avais déjà envie de faire des films et d'y jouer un rôle. Hector de Stijn Coninx est un film qui a été très important pour moi : c'est un comics flamand des années 80 un peu absurde, un peu fou mais de très bon goût. Quand j’étais jeune, j’aimais connaître les films par coeur ; je les voyais 10-15 fois au cinéma, puis je réécrivais les dialogues, je les jouais.
Après quelques tentatives, j’ai très vite compris que je n’étais pas un bon acteur : trop timide, pas assez bavard. Je préfère largement être derrière la camera, mais j’ai beaucoup appris de cette expérience et je sais maintenant qu’il faut soigner ses acteurs.
 

J’imagine que Belgica est un projet qui vous tenait beaucoup à coeur. Avez-vous un nouveau projet cinématographique en tête ? Pensez-vous un jour réaliser un film en français ?

Oui, un nouveau projet inspiré d'un livre, qui parlera d'une relation père-fils, de deuil, de beauté... Un film américain, normalement. 
Quant au film en français, qui sait ? C’est une chose à laquelle je n’avais pas forcément pensé, mais si j'améliore mon français, pourquoi pas !

Lire notre critique de Belgica 
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Infos pratiques :
Interview de Felix Van Groeningen
autour de la réalisation de Belgica
En salles le 2 mars 2016 

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