Covid : des influenceurs contactés par une agence pour critiquer publiquement le vaccin Pfizer

Par Cécile de Sortiraparis · Publié le 25 mai 2021 à 11h39
Une mystérieuse agence de communication a contacté différents influenceurs - qui comptent parfois plus d'un million d'abonnés - pour leur demander de critiquer le vaccin Pfizer sur les réseaux sociaux, sans dire qu'ils sont payés pour le faire. Une campagne de calomnie mise au jour le 24 mai dernier.

Une belle somme d'argent en échange d'une vidéo ou d'une story sur Instagram. La seule consigne : dénigrer le vaccin Pfizer et prétendre que les informations énoncées sont issues d'un rapport "caché" par les médias traditionnels. Plusieurs influenceurs se sont étonnés, sur les réseaux sociaux, d'avoir reçu cette proposition de contrat étrange : une agence qui se présente sous le nom de Fazze a demandé à plusieurs personnalités d'Internet de décrédibiliser le vaccin Pfizer.

Léo Grasset, alias Dirty Biology, youtubeur et vulgarisateur scientifique, a attiré l'attention sur cette campagne frauduleuse lundi 24 mai, en publiant cette histoire abracadabrantesque. 

Quatre jours auparavant, le compte Twitter "Et ça se dit médecin", spécialisé lui aussi dans la vulgarisation scientifique médicale, donnait déjà l'alerte en expliquant avoir reçu une proposition douteuse : « MDR je viens de recevoir sur Instagram une demande de partenariat rémunéré genre 2000€ la story pour décrédibiliser le vaccin Pfizer-BioNTech (genre dire des effets indésirables graves, etc.). Si vous voyez ce genre de post chez des "influenceurs méfiez-vous », avertissait-il. Même son de cloche chez l'humoriste Sami Ouladitto qui a lui aussi été contacté par l'agence Fazze.

Fazze tente de propager de fausses informations sur le vaccin Pfizer à l'aide d'une campagne de publicité dissimulée, une pratique illégale en France. Le brief de la mission, révélé par Léo Grasset, est de dévoiler des informations d'un faux rapport scientifique, qui aurait "fuité", et qui prétendrait que le taux de mortalité du vaccin Pfizer est plus élevé que celui de l'AstraZeneca.

Dans cet ordre de mission, on retrouve un vocabulaire très utilisé par les comptes complotistes : on y parle de médias "mainstream" qui cachent la vérité. La vidéo réalisée par l'influenceur est censée se terminer avec une incitation à « tirer ses propres conclusions  » de cette affaire.

L'agence Fazze refuse de dévoiler le nom de son client au Youtubeur, qui a tenté de comprendre d'où venait cette campagne. Cacher l'identité du client qui veut faire une campagne de pub est également interdit en France.

Qui donc se cache derrière tout cela ? Les journalistes de Numerama ont tenté de remonter la piste. L'agence Fazze, supposément basée à Londres, ne peut présenter aucun client ou opération de publicité sur son site Internet. Les seuls liens disponibles renvoient vers Facebook, Twitter et Vkontakte, un réseau social très populaire en Russie. 

L'agence devient de moins en moins réelle à force de recherches. Fazze n'est pas enregistrée sur le registre des entreprises du Royaume-Uni. L'adresse de ses bureaux ne montre qu'une boîte postale sur Google Maps, boîte partagée par 177 sociétés... dont l'agence ne fait pas partie. Sur LinkedIn, la seule employée liée à cette entreprise indique avoir effectué plusieurs stages pour des entreprises russes.

Tous les indices conduisent donc à penser que cette campagne de dénigrement contre le vaccin Pfizer est l'œuvre de Russes. Par ailleurs, les arguments, les articles et les tableaux mis en avant dans le brief envoyé par Fazze aux influenceurs se retrouvent très souvent sur le compte Twitter officiel du vaccin russe Sputnik V.

Sans preuve directe et sans client pour revendiquer cette campagne, il n'est cependant pas possible pour le moment de comprendre véritablement le fond de cette affaire. L'agence Fazze n'a répondu à aucune sollicitation de Numerama.

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