Certains événements historiques sont à jamais gravés dans la mémoire collective, mais rares sont ceux dont les images ont autant façonné notre perception du réel que la prise d'otages des Jeux olympiques de Munich en 1972. Avec 5 septembre, Tim Fehlbaum ne se contente pas de relater cette journée tragique : il plonge le spectateur dans la salle de contrôle d’ABC Sports, au cœur du chaos journalistique qui a transformé une crise en un spectacle mondial. Ce thriller journalistique haletant, porté par un casting solide – John Magaro, Peter Sarsgaard et Ben Chaplin – interroge la responsabilité des médias face à l'horreur en direct.
5 septembre sera diffusé en salle à partir du 5 février 2025.
Synopsis : 5 septembre nous replonge dans l’événement qui a changé le monde des médias à jamais et qui continue de résonner à l’heure où l’information, le direct et la maîtrise de l’antenne reste l’objet de nombreux débats. Le film se déroule lors des Jeux Olympiques de Munich de 1972 où l’équipe de télévision américaine se voit contrainte d’interrompre subitement la diffusion des compétitions, pour couvrir la prise d’otage en direct d’athlètes israéliens. Un évènement suivi à l'époque par environ un milliard de personnes dans le monde entier. Au cœur de l'histoire, l’ambitieux jeune producteur Geoff veut faire ses preuves auprès de Roone Arledge, son patron et légendaire directeur de télévision. Avec sa collègue et interprète allemande Marianne, son mentor Marvin Bader, Geoff va se retrouver confronté aux dilemmes de l’information en continu et de la moralité.
Dès les premières scènes, 5 septembre immerge le spectateur dans l'effervescence des Jeux olympiques de Munich. La caméra suit Geoffrey Mason (John Magaro), un producteur ambitieux, et Roone Arledge (Peter Sarsgaard), directeur de la télévision, alors qu’ils jonglent avec la couverture sportive et les impératifs de la diffusion. Mais lorsque la prise d'otages éclate dans le village olympique, le ton change radicalement : ce qui devait être un événement festif devient le premier attentat diffusé en direct à travers le monde, suivi par 900 millions de spectateurs.
Le film excelle dans sa reconstitution historique, tant sur le plan visuel que technique. La direction artistique minutieuse nous replonge dans les années 70, entre caméras lourdes, liaisons satellites précaires et négociations tendues pour conserver l'exclusivité des images. L’utilisation d'images d’archives intégrées au récit ajoute une dose d’authenticité saisissante, tout en soulignant la porosité entre réalité et mise en scène médiatique.
Le trio principal fonctionne à merveille. John Magaro incarne avec justesse un jeune producteur pris dans une spirale éthique et professionnelle, oscillant entre ambition et prise de conscience des enjeux réels de son métier. Peter Sarsgaard, charismatique et implacable, campe un Roone Arledge visionnaire, prêt à tout pour imposer ABC comme la référence du journalisme sportif. Mais c’est peut-être Leonie Benesch, dans le rôle de Marianne Gebhardt, une interprète allemande, qui apporte le plus d’humanité à ce drame, mettant en perspective la détresse des otages face à la mécanique médiatique en marche.
Là où 5 septembre se distingue, c’est dans son rythme effréné et sa tension omniprésente. Le film ne s’intéresse pas directement aux otages ou aux terroristes, mais à ceux qui façonnent la narration en direct. Chaque décision devient un enjeu stratégique : comment filmer la prise d’otages sans interférer avec l’intervention des forces de l’ordre ? Faut-il continuer à diffuser en direct, au risque d’informer les terroristes eux-mêmes ? Le film expose ces luttes de pouvoir, notamment entre ABC Sports et ABC News, qui revendiquent chacun la couverture de l’événement.
L’une des scènes les plus marquantes montre des journalistes déguisant un reporter en athlète pour qu’il puisse circuler librement et rapporter des images inédites. Plus tard, alors que l’opération de libération des otages tourne au carnage, une erreur fatale de communication pousse plusieurs chaînes à annoncer prématurément leur sauvetage… alors qu’ils ont en réalité tous été tués. Une séquence glaçante, qui rappelle l’impact dévastateur des informations non vérifiées.
Tim Fehlbaum adopte une réalisation nerveuse, multipliant les plans serrés dans la salle de contrôle pour accentuer la claustrophobie et la montée en pression. L'alternance avec des plans d’ensemble du village olympique, capturés avec un grain d’époque, permet de ressentir l’ampleur de la tragédie en cours.
L’éclairage tamisé, aux teintes ocres et froides, renforce la tension dramatique et l’atmosphère 70s. Le design sonore, quant à lui, joue un rôle clé : entre le brouhaha des salles de rédaction, les silences pesants et les conversations radio hachées, il plonge le spectateur dans l’urgence du direct.
Plus qu’un simple thriller, 5 septembre est une réflexion sur la place des médias dans la société moderne. Il soulève des questions qui résonnent encore aujourd’hui : jusqu’où doit aller un journaliste pour informer ? Où se situe la frontière entre reportage et voyeurisme ? À travers le chaos de Munich 72, le film illustre comment la diffusion en direct d’un drame peut en influencer le déroulement, une problématique plus actuelle que jamais à l’ère des réseaux sociaux.
Certes, on pourrait reprocher au film d’adopter une approche très centrée sur le point de vue américain, négligeant quelque peu la gestion de crise allemande et les tensions géopolitiques de l’époque. Mais dans son domaine – celui du journalisme sous pression –, 5 septembre est une œuvre puissante et captivante.
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