C'est l'histoire d'une statue antique, malmenée par l'Histoire. Rassurez-vous, c'est une histoire qui finit bien. Mais commençons par le présent. La statue monumentale en bronze de l'Empereur Constantin est exposée aux musées du Capitole, à Rome. Cette statue n'est pas entière : on en voit la tête, une main, un globe autrefois tenu par l'empereur...
Pendant plusieurs siècles, cette main en bronze n'était pas complète : il lui manquait un doigt, les deux phalanges qui composent l'index. Cet index était exposé dans les collections du Musée du Louvre, à Paris, depuis le XIXe siècle. Mais ce n'est qu'en 2018 que les experts du musée ont compris que ce doigt appartenait en réalité à la statue de l'Empereur Constantin. Après de nombreuses analyses, l'index perdu a pu être identifié. Ce travail d'enquête a pris fin le 29 avril 2021, lorsque ce doigt en bronze a finalement retrouvé sa place légitime, sur la main de la statue. L'index a été renvoyé en Italie, pour qu'il soit réassemblé au reste du bronze.
À présent, effectuons un petit voyage dans le passé. Nous sommes en 300 après Jésus-Christ. Une statue en bronze de l'Empereur Constantin, haute de 12 mètres (du moins, selon les estimations des experts) est érigée en l'honneur du premier empereur romain qui se serait converti au christianisme. Il serait également le fondateur de la ville de Constantinople, qui devient la capitale de l'Empire romain d'Orient en 330 ap. J.-C..
De cette statue gigantesque et très ancienne, nous ne conservons aujourd'hui qu'une tête, une main et un globe. Le mystérieux index, lui, était une partie de cette unique main rescapée de l'Histoire. Selon les témoignages recueillis par le Figaro, il est probable que le doigt se soit égaré à la Renaissance. Claudio Parisi Presicce, le directeur des musées du Capitole, estime que « le doigt s'est vraisemblablement détaché au moment de la séparation de la main et du globe que celle-ci tenait à l'origine, en 1584, lorsque le globe a été placé au sommet de la colonne milliaire du Ier mille de la via Appia qui décorait la balustrade fermant la place du Capitole vers le Champ de Mars ». On ignore où sont passées les autres parties du corps.
Comment est-il possible qu'un bout d'une statue si célèbre soit resté dans les collections d'un musée tout aussi connu, pendant des siècles, sans que personne ne fasse le rapprochement entre les deux reliques ? Et bien pendant très longtemps, les conservateurs du Louvre pensaient que cet index était... un orteil ! Un long orteil de 38 centimètres, en bronze doré, arrivé en France pendant le Second Empire, lors de l'acquisition impériale de la vaste collection du marquis Campana.
En 2018, le Louvre organise une grande exposition intitulée Un rêve d'Italie. La collection du marquis Campana. C'est en préparant cette exposition qu'une association devine que ce doigt est en réalité un morceau de la statue de l'Empereur Constantin. Plusieurs analyses ont depuis confirmé cette intuition.
Pour vérifier cette hypothèse, les scientifiques du Louvre et du Centre de recherche et de restauration des musées de France avaient réalisé une réplique en résine du doigt, qui a été envoyée à Rome pour confirmer que les deux parties de la statue s'imbriquaient bien. Un jeu de puzzle géant et délicat, mais qui a été couronné de succès.
C'est ainsi qu'après des siècles de voyages et d'éloignement, l'index de l'Empereur Constantin a pu retrouver le reste de cette main de bronze extraordinaire.
