"devant la porte de l'ambassade..."

Par · Publié le 21 octobre 2008 à 11h05
"Devant la porte de l'ambassade notre nuit était longue": le problème de l'émigration des jeunes Libanais et leur errance entre rêve et réalité a été porté au théâtre à Beyrouth dans une pièce mêlant jeu, musique et chant.
Le spectacle "n'évoque pas seulement l'immigration des jeunes mais traite aussi des problèmes qui y conduisent", déclare à l'AFP Nidal al-Achkar qui a mis en scène la pièce, co-écrite avec le poète-écrivain-journaliste libanais Issa Makhlouf. Depuis le 19ème siècle, le Liban est un pays d'émigration et des millions de Libanais sont établis depuis des générations en Afrique, en Amérique Latine ou aux Etats-Unis. L'émigration a atteint des pics lors des crises à répétition que le Liban a traversées, notamment la guerre civile de 1975-1990. Un mouvement en sens inverse s'était enclenché après le retour de la paix, mais la guerre entre le Hezbollah et Israël de 2006 et la crise politique et économique qui a suivi a déclenché une nouvelle fuite de cerveaux. Un sondage publié en 2006 indique que près de 48% des Libanais ont l'intention d'émigrer pour des raisons professionnelles.

Cette réalité est le point de départ de la pièce, qui traite le sujet dans un style où rêve et réalité s'emmêlent, et s'interroge, à travers ses quatorze personnages, sur le destin de tout un peuple.
"La pièce s'interroge sur l'émigration des libanais, ses causes, sur la guerre, l'exil et l'identité", affirme M. Makhlouf, qui réside en France.
"Le sujet est tragique, mais le tourner en dérision nous a aidés à saisir un charbon ardent", ajoute-t-il.

Mme Achkar souligne avoir voulu ouvrir cette saison, qui coïncide avec les 15 ans de son théâtre Al-Madina à Beyrouth, avec une oeuvre "étroitement liée à notre quotidien".
L'idée lui a été inspirée par l'émigration de ses deux fils, Omar et Khaled et leurs plus proches amis, lorsque soudainement "la maison est devenue vide". "Le premier texte était triste, nous l'avons alors transformé en une pièce musicale pour alléger son coté larmoyant", raconte Mme Achkar. Elle recourt à trois genres musicaux: "le rap, qui exprime la rage des jeunes, des chansons socio-politiques et de vielles ballades de la mémoire collective". Les rôles sont tenus par dix jeunes hommes et quatre jeunes filles, tous des amateurs, à l'exception de l'actrice Nada Abou Farahat.
Sur scène, ils alternent entre jeu théâtral, danse et jeu musical, se déhanchant sur un rythme de salsa à l'évocation de l'Amérique latine. Lorsqu'il s'agit de pays du Golfe, le décor suit avec des images mobiles de pompes à pétrole. Le rideau s'ouvre sur des jeunes attendant devant la porte d'une ambassade pour obtenir un visa, certains d'entre eux vont, viennent, partent, reviennent et attendent depuis une année.
Mais ce jour-là est différent. Alors que l'ambassade ferme et que les jeunes s'apprêtent à rentrer chez eux, des combats se déclenchent à Beyrouth et les obligent à s'abriter dans un garage.
Toute la nuit, ils égrènent les rêves qu'ils réaliseront à l'étranger et racontent les récits de l'immigration de leurs aïeux, y emmêlant passé, présent et songes. Puis, le jour se lève et dissipe leurs rêves. Ils refont la queue devant l'ambassade, tandis que concurrence et animosité remplacent la chaleureuse convivialité de la nuit passée. "Nous qui partons vers des pays lointains, nous les délaissés aux portes des ambassades, l'humiliation nous emmène et nous ramène", dit une chanson composée par le libanais Khaled Abdallah. "Ce pays, je n'en connais pas le secret. Tu pries pour lui et tu le damnes, tu l'insultes et tu lui chantes, tu implores Dieu de t'en sauver mais tu ne peux t'en passer", clot la dernière chanson.

Informations AFP



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