Avec La Voix humaine, Jean Cocteau signe en 1927 une forme théâtrale singulière à partir de la seule situation d’une rupture amoureuse d’un lyrisme inattendu. L’exploit stylistique lance un véritable défi à son interprète, seule en scène tout au long d’un acte entier de conversation téléphonique entrecoupée de silences. Seule dans le désordre d’une chambre à coucher, une femme téléphone à son amant. Victime de coupures de ligne, troublée par la musique qui s’échappe du lieu inconnu dans lequel il se trouve, la femme dévastée par la cruauté d’un amour qu’elle sait déjà perdu semble encore fuir l’évidence. Ou au contraire, face à l’évidence, les mensonges lui permettent de taire ses souffrances à celui qu’elle aime encore. Dans ce face à- face terrifiant avec l’absence, le téléphone devient une « arme effrayante », selon les termes de l’auteur adepte des mythes modernes, la voix s’épanche et s’abandonne au néant.