Notre innocence au Théâtre de la Colline : notre critique

Par · Publié le 7 avril 2018 à 10h44
Désormais directeur du Théâtre National de la Colline, Wajdi Mouawad présente jusqu'au 11 avril sa deuxième pièce de la saison. Après "Tous des oiseaux", le québécois met en scène "Notre innocence", un spectacle intelligent et révolté qui ne réussit pourtant pas à atteindre une autre de ses intentions, nous toucher.

C'est un coup de massue qui a inspiré à Wajdi Mouawad l'écriture de ce spectacle, Notre innocenceA l'origine de ce projet, il y a ce stage que le directeur du Théâtre National de la Colline dirige en 2015 avec des élèves du CNSAD intitulé "Défenestration". Ils devaient imaginer la mort d'un camarades, Wajdi Mouawad ayant lui même vécu, durant ses années d'études théâtrales à Montréal, le suicide de Tristan, un ami de promotion. 

Durant le stage, ils vivront la traumatisante expérience de rester enfermés toute la nuit dans le théâtre, la nuit du 13 novembre. Puis, ils devront faire face à la mort subite d'une élève, Camille, peu de temps après la fin de leur stage, une élève dont on entend la voix, chantant un fado bouleversant, au début et à la fin du spectacle. La mise en abîme est extrême et déroutante. C'est de ce vécu brutal que Wajdi Mouawad s'est inspiré pour créer, refusant que la mort achève cette histoire.

Ainsi est né Notre innocence, spectacle qui aborde la question brutale de la mort d'un proche, de la confrontation avec la douleur et la vérité. Victoire, double de Tristan, de Camille, avait une vingtaine d'années quand elle est tombée d'une fenêtre. Ses amis tentent de garder la tête froide, de ne pas perdre pied. S'agit-il d'un accident, s'agit-il d'un suicide ? Comment apprendre à vivre avec la tristesse et quels mots réussiront-ils à dire à la petite fille de Victoire, Alabama, spectre omniprésent de cette réunion brutale et incompréhensible ?

Tout commence par une introduction. L'histoire de ce spectacle au-delà de l'histoire elle-même, compte tout autant et méritait d'être entendue par tous les spectateurs. La comédienne Hayet Darwich s'avance ainsi, et nous raconte comment  et pourquoi nous sommes là, avant d'être rejoint par les 17 autres comédiens qui vont entamer, en cœur, le récit d'une autre histoire, la fictive, se mêlant avec les maux de la jeunesse. Que peut-elle faire cette jeunesse, alors que ses parents lui ont répété toute sa vie durant que c'est eux, qui l'ont vécu, la grande révolution, celle des grands idéaux, de l'amour libre, de la naissance de la musique rock, des appartements parisiens pour une bouchée de pain. Un cri dans la nuit comme une déclaration de ça suffit, nous n'y sommes pour rien, il faut bien avancer, malgré tout, envers et contre tout, alors arrêtez de nous demander ce que nous allons faire de notre vie. 

Le cri s'estompe et laisse place à l'histoire, celle introduite longuement. Victoire est morte. A qui la faute ? Doit-il y avoir une faute ? Les arguments se lèvent et s'éteignent, les insultes fusent, l'incompréhension se mêle à la douleur, à la tristesse, au débordement. Si le ton est presque toujours juste, on regrette le mélo-dramatique qui parfois, fait une irruption, heureusement mis à mal par l'humour, cet humour qui nous sauve quand même un peu, toujours. Quoique d'ailleurs, pas toujours en réalité, au contraire. Car la question se pose : est-ce une simple blague qui aurait donné envie à Victoire de se jeter par la fenêtre ? 

En définitive, on sort du Théâtre de la Colline avec la sensation d'avoir vécu un moment très fort, comme Wajdi Mouawad sait si bien les composer, les écrire, mais peut-être plus mitigé par une dernière partie finalement assez lourde, même si sauvée par sa révélation de fin, pièce manquante à la tragédie. Mais définitivement conquis par cette introduction viscérale, emportée, décidée, ce cri de la jeunesse désabusée mais qui n'en est pas responsable.

Infos pratiques :

Notre innocence au Théâtre de la Colline, jusqu'au 11 avril 2018.

Complet.

 

 

 

Informations pratiques

Dates et Horaires
Du 20 mars 2018 au 11 avril 2018

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    Lieu

    15/17 rue Malte Brun
    75020 Paris 20

    Infos d’accessibilité

    Tarifs
    tarifs : 8€ - 30€

    Site officiel
    www.colline.fr

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