Essayages au théâtre de Belleville : notre critique

Essayages est un spectacle de la compagnie du Crayon, qui sera joué au théâtre de Belleville à la saison prochaine. Six femmes d'aujourd'hui font l'expérience de la mode, de la cabine d'essayage, de la taille mannequin et des sous-vêtements inadaptés. Devenues à moitié folles face à cette industrie sans pitié, elles enchaînent les petits boulots de vendeuse et les situations dramatico-cocasses. À voir.

Tout commence dans un éclat de voix : une jeune femme, seule sur scène, explique tant bien que mal son malaise. Elle est désespérée, sa beauté s'efface et laisse place à une douleur profonde, pointue. Puis, petit à petit, les mystérieux blocs noirs derrière elle dévoilent leur identité, et elle disparaît. Ce sont des cabines d'essayages. C'est d'ailleurs là le coup de génie d'Adrien Utchanah, auteur et metteur en scène d'Essayages : la réutilisation à volonté des cabines devenues décor modulable et infernal.

Ces cabines sont le théâtre de bien des chorégraphies : les jeunes femmes s'y enferment pour s'engoncer dans des vêtements trop petits, elles s'y regardent, s'y jugent, s'y désespèrent. La vendeuse, insolente et cruelle, est toujours là pour leur rappeler l'existence de la maudite taille au-dessus. La vendeuse c'est aussi elles, pour un job d'été devenu un job tout court, puis un travail, et enfin un enfer. L'entretien d'embauche est un calvaire : trop naturelle, on a peur d'échouer, trop artificielle, on peut passer à côté du poste. Puis, les soldes, vécues de l'autre côté de la caisse, s'apparentent à l'odeur de la sueur et aux cris de la cheffe. Enfin, le pot de départ, où les cœurs explosent.

Essayages décline une suite de petites scènes qui se passent toutes dans l'industrie de la mode : pertinent, tragi-comique et lyrique, le spectacle s'offre comme une réflexion esthétique, une sorte de délire post-Fashion Week. Que reste-t-il des paillettes quand les clientes ont sué dans leurs habits neufs et trop petits ? Il reste des femmes détruites, dont aucune n'arrive vraiment à rentrer dans le rang. Le final du spectacle est édifiant : les six actrices, seulement vêtues d'un body à la mode (et pas toujours saillant), dansent sur une musique actuelle... Avant d'une par une tomber comme des mouches sur la scène glaciale. On reste bouche bée.

Informations pratiques :

Essayages
Au théâtre de Belleville, 94 rue du Faubourg du Temple, métro Belleville
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