Louis Garrel : "Il ne faut pas faire genre américain ! Il faut faire genre français"

Par Julie de Sortiraparis · Publié le 11 octobre 2022 à 14h55
Louis Garrel et l'acteur Roschdy Zem se sont confiés à Sortiraparis à l'occasion de la sortie en salles de L'Innocent, une comédie sentimentale mélangée au polar, à découvrir au cinéma dès ce mercredi 12 octobre 2022.

Si L'innocent, qui sort en salles ce mercredi 12 octobre 2022, ne se veut pas un récit autobiographique, son réalisateur Louis Garrel se dévoile à demi-mots dans cette "comédie sentimentale mélangée au polar", comme il aime à l'appeler lui-même. En effet, à l'instar du héros de son film, la mère du réalisateur, l'actrice et réalisatrice Brigitte Sy, animait des ateliers de théâtre en prison et s'est mariée avec un prisonnier. À l'occasion de la sortie en salles de ce film poignant et coup de cœur, nous avons rencontré Louis Garrel et Roschdy Zem qui nous en apprennent un peu plus sur les personnages et leurs intentions dans ce métrage.

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Dans son quatrième film en tant que réalisateur, Louis Garrel se tourne vers la comédie policière, avec Roschdy Zem, Noémie Merlant et Anouk Grinberg au casting, pour un résultat très réussi. Noémie Merlant a remporté le César de la meilleure actrice dans un second rôle, lors de la 48e cérémonie des César. Le film a également reçu le César du meilleur scénario original. [Lire la suite]

L'interview de Louis Garrel et Roschdy Zem :

Sortiraparis : Est-ce que vous pourriez déjà commencer par présenter le film en quelques mots, s'il vous plaît ?

Louis Garrel : C'est difficile. Le film raconte l'histoire d'une femme qui va se marier en prison parce qu'elle y a rencontré un homme lors d'ateliers théâtre qu'elle anime. Le film commence quand elle va présenter cet homme. Un homme qui est un ancien voyou a son fils qui ne va pas du tout être enthousiaste à l'idée de devoir faire une famille avec cet homme.

À qui s'adresse le film ?

L. G. : À qui il s'adresse ? À tout le monde ! Enfin, j'espère qu'il s'adresse aux enfants à partir de onze ans, douze ans. J'espère qu'il s'adresse aux gens qui ont 95 ans. Vraiment, j'ai essayé de faire le film le plus... Je sais pas, le plus grand public possible. Je ne pense pas qu'il faut être spécialiste de quoi que ce soit pour voir le film.

Roschdy Zem : Ouais, ouais, c'est un film accessible.

Je confirme ! Je tiens à vous le dire quand même, c'était mon vrai coup de cœur à Cannes. C'était le plus beau film que j'ai vu au festival. Et c'est vrai que pour moi, il y a tout, il y a d'émotion, il y a l'humour, beaucoup...

L. G. : Ah trop cool, génial ! Ouais, j'ai essayé de faire en sorte qu'il soit le plus divertissant, qu'il ne soit pas monotone, qu'il change de genre, que les genres s'empilent, que ça soit à la fois un polar, une comédie, je sais pas un film sentimental, une comédie romantique, un film de braquage. J'ai essayé d'être le plus... Je sais pas, le plus, ouais "divertissant". J'aime bien ce mot, divertissant. 

Qu'est-ce qui le différencie des autres films de genre, justement ? Enfin, il y a beaucoup de genres... 

L. G. : Oui, il y a beaucoup de genres, mais sur l'idée du film de polar, c'est vrai qu'au début, je me suis dit voilà, on a beaucoup de références, de films américains qui viennent en tête et il faut à la fois... Tiens, ça peut être inspirant. Et je dis toujours à mon équipe technique, qu'il faut s'en méfier, il faut vraiment... Moi, quand je vois un film italien, par exemple, et que ça se voit tout de suite, quand un film italien essaie de faire un peu "genre américain". J'ai dit : "Il ne faut pas faire genre américain ! Il faut faire genre français". Même si le polar il a quand même été fait, que ça soit par Melville ou plein d'autres. En-tout-cas, il s'agissait vraiment de se dire, on essaie de le faire, on a conscience qu'on le fait en France et donc on essaye d'être... Donc je me dis que la comédie sentimentale mélangée au polar et que même cette comédie sentimentale pourrait servir l'intrigue du polar, ça, ce serait une manière d'être assez original. 

Roschdy, qu'est ce qui vous a plu dans ce film ? Ce rôle, ce personnage ?

R. Z. : D'abord, il y a une combinaison intéressante entre le thème du film, l'histoire et le casting. C'est important, mais ce qui m'a plu, c'était surtout d'aborder un type de personnage comme ça. Aussi vulnérable, aussi fragile, aussi sentimental et puis finalement très tendre. C'est un type de rôle vers lequel j'avais envie de me diriger, donc c'est arrivé à point nommé parce qu'en plus, il joue avec les codes du film policier. En général, on a souvent un détenu qui sort de prison comme ça, très taciturne, très sûr de lui, un peu frimeur d'ailleurs. Et souvent le type qui sort de prison, il se la raconte un peu sur le fait qu'il ait passé du temps derrière les barreaux. Là, en l'occurrence, il a plutôt envie de s'en cacher. Voire, comme je disais tout à l'heure, il y en a même un peu honte. Et c'est ce qui le rend attachant et j'aime bien cette fragilité qui lui est propre. Et puis aussi le fait de jouer un homme totalement épris, ça, c'est assez agréable à jouer. C'est assez beau à jouer parce qu'il y a une recherche autour de ça dans le travail. Comment jouer ça ? Effectivement, quand on joue avec une actrice comme Anouk Grinberg, qui est totalement entière, très organique, c'est beaucoup plus facile. Mais comme il y a une déclinaison de l'amour, chacun aime quelqu'un et est aimé avec les secrets qui leur sont propres. Ils ont tous une façon de s'aimer. Donc c'est intéressant de voir ces différentes façons d'aborder ce sujet et c'est un thème que je trouve enrichissant en plus. 

L. G. : Vous savez, les mariages avec des gens qui viennent de deux milieux très différents. C'est assez touchant parce qu'en fait, on s'organise toujours, même dans l'amour, en fonction de la classe sociale. On se met toujours avec des gens qui viennent à peu près du même milieu. Et c'est assez beau quand on voit qu'à un moment donné, un mariage avec deux personnes qui ne sont pas les mêmes du tout, qui ne viennent pas du même milieu culturel, et ce que ça provoque comme point de friction, comme décalage, aussi comme tendresse et parfois comme inquiétude chez les deux. Et c'est ça qui me plaisait, c'est de raconter cette famille-là qui n'est pas une famille conventionnelle.

Dans le choix des acteurs. Vous avez participé au casting, à la sélection ?

L. G. :  Bien sûr, c'était le moment qui a été le plus révélateur pour moi. Moi, je crois beaucoup au duo. Je pense qu'on s'attache beaucoup à des duos d'acteurs au cinéma. Et quand j'ai vu Roschdy et Anouk, l'un à côté de l'autre, d'un coup, ça faisait le film, j'sais pas, tout d'un coup, il y avait Michel et Sylvie, leurs personnages qui prenaient vie. Ça s'ajoutait au scénario. Il y avait des choses que je me racontais en plus de l'histoire. Physiquement, Roschdy, ce qu'il dégage Anouk, physiquement, beaucoup plus petite que lui. L'inquiétude que je me faisais et pour l'un et pour l'autre, de la peur que j'avais qu'ils se séparent, l'envie que j'avais, ... Puis l'émotion de voir deux personnes qui s'aiment. Leur couple n'était pas obscène, dans ce sens où j'avais l'impression d'en être le voyeur. Et le cinéma, il doit avoir ça, il doit avoir donné le sentiment qu'on est en train d'observer des gens en cachette et leur amour, on avait cette impression d'intimité qu'ils avaient tous les deux

Les deux duos fonctionnent très bien !

L. G. : C'était vraiment un film de duos. 

Qu'aimeriez-vous que les spectateurs ressentent en voyant ce film ?

L. G. : Vous savez, on espère toujours quand on fait un film comme ça, qui raconte une histoire que pendant une heure et demie les gens, tout d'un coup, ils se soient acclimatés au temps du film qu'ils aient oublié un peu leur propre temporalité, qu'ils se soient oublié eux mêmes et qu'ils ressortent du cinéma ne sachant plus très bien où ils sont et surtout qu'ils en ressortent, c'est bête à dire, c'est presque un truc enfantin, mais qu'il ressortent joyeux comme on ressort joyeux d'un spectacle de marionnettes quand on est enfant quoi. Je pense que le film, il a à voir avec cette espèce de joie enfantine du spectacle.

C'est vrai que moi, il m'a fait beaucoup de bien. Je reviens sur ce que vous disiez juste avant et effectivement, on croirait un film directement sorti des années 90 avec ce tandem, les ambiances. Quelles ont été vos influences ?

L. G. : Bizarrement, la variété française, elle a cette espèce de premier degré qui est assez irrésistible, même si les signes culturels envoyés par la variété française déplaisent à certains - parce que les chansons, les films, ils fonctionnent aussi comme des fétiches culturels de snobisme ou je ne sais pas - elle a ce premier degré, qui est un moment donné auquel on ne peut pas lui résister. Et j'avais envie que le premier degré du film, il ait à voir avec quelque chose de la variété française, Donc je disais souvent aux gens, il faut qu'on fasse un film de variété, qu'on soit au premier degré sentimental. Vous voyez la variété, elle chante l'amour, elle chante l'espoir, elle chante... Mais au premier degré, quoi. Parfois, elle flirte avec le ridicule presque. Et j'aimerais bien que les affects des personnages, l'histoire d'amour dans le film, soient à ce degré-là, mais que la situation du film puisse avoir de l'ironie, de la comédie, du vaudeville du burlesque, du polar. Et voilà. 

Et qu'est-ce que vous aimez particulièrement dans L'Innocent et que vous avez envie de transmettre aux spectateurs ? 

L. G. : Moi, c'est le moment donné quand un acteur et un personnage fabriquent cette espèce de... C'est une invention ! À la fois, c'est Roschdy, mais ce n'est pas un Roschdy, c'est Anouk, mais c'est pas Roschdy, c'est Clémence, c'est Michel et Sylvie... Et tout d'un coup, on croit à l'existence de ces personnages et moi, j'y ai cru et j'espère que les gens vont croire à ces personnages. 

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