Zita Hanrot (Annie Colère) "Je n’accepte pas le fait qu’on retire des droits aux femmes"

Par Julie de Sortiraparis · Publié le 30 novembre 2022 à 18h57
Zita Hanrot nous parle de son rôle dans la comédie dramatique Annie Colère de Blandine Lenoir, où elle interprète une jeune femme du MLAC (Mouvement de Libération de l'avortement et de la Contraception) qui aidait les femmes à avorter sans risque grave à la méthode Karman, à l'aube de la loi Veil. L'occasion pour elle d'évoquer ce que le combat des femmes représente pour elle et la manière dont il est traité dans le métrage.

annie colère, un film poignant et nécessaire sur le combat des femmes pour le droit à l'avortementannie colère, un film poignant et nécessaire sur le combat des femmes pour le droit à l'avortementannie colère, un film poignant et nécessaire sur le combat des femmes pour le droit à l'avortementannie colère, un film poignant et nécessaire sur le combat des femmes pour le droit à l'avortement Annie Colère, un film poignant et nécessaire sur le combat des femmes pour le droit à l'avortement
Annie Colère c'est le nom de la comédie dramatique de Blandine Lenoir qui met en scène Laure Calamy, Zita Hanrot et India Hair. Le métrage nous plonge au coeur des années 70 et retrace, avec beaucoup d'émotions, le combat du mouvement MLAC pour donner aux femmes le droit d'avorter légalement en cas de grossesse non désirée. Un film poignant à découvrir en salles dès le 30 novembre 2022. [Lire la suite]

Annie Colère :Annie Colère :Annie Colère :Annie Colère : Rosemary Standley : Annie Colère est "une histoire de femmes ensemble qui luttent ensemble"
Annie Colère est un film poignant de Blandine Lenoir sur le combat des femmes du MLAC pour obtenir le droit de pratiquer l'avortement par aspiration selon la méthode Karman, réputée sans douleur et sans danger, à l'aube des années 70. À l'occasion de sa sortie en salles ce mercredi 30 novembre 2022, nous avons rencontré les acteurs Rosemary Standley et Yannick Choirat. [Lire la suite]

L'interview de Zita Hanrot en vidéo :

Sortiraparis : Est-ce que tu peux commencer par nous présenter le film en quelques mots ? 

Zita Hanrot : Ah ouais. Alors le film s'appelle Annie Colère et c'est un film réalisé par Blandine Lenoir. Et ça raconte l'histoire de ce personnage, Annie Colère, qui est joué par Laure Calamy, et son histoire d'engagement à l'intérieur du MLAC, le Mouvement de Libération de l'Avortement et de la Contraception. C'est un mouvement qui est né en 73, juste avant la loi Veil et donc, comme son nom l'indique, qui était le mouvement de libération de l'avortement et de la contraception. C'est un mouvement qui a fait en sorte donc qu'on ait aujourd'hui la chance de pouvoir avoir une contraception, de pouvoir avorter librement dans notre pays. Et donc voilà, ça raconte le parcours de cette femme qui va avoir une prise de conscience et qui va devenir militante et s'engager. Moi, je joue le personnage d'Hélène qui est un personnage... C'est un film qui est assez choral, vraiment, on est un chœur de femmes, je dirais. Et donc moi, je joue Hélène. C'est le rôle d'une jeune infirmière qui est militante au MLAC et qui est quelqu'un d'extrêmement engagée et passionnée et déterminée. Et voilà ! On accompagne Annie dans sa prise de conscience et on raconte aussi une part de la grande histoire. 

Tu étais sensibilisée au MLAC avant ?

Z.H. : Une de mes tantes était au MLAC d'Aix-en-Provence, ma belle-mère était au MLAC de Paris, mais je ne connaissais pas bien. C'était quelque chose comme ça qui était là, mais ce n'était pas quelque chose que je connaissais précisément. Et donc c'était assez passionnant de se documenter là-dessus et de comprendre ce que c'était que ce mouvement qui pratiquait aussi le geste de l'avortement avec la méthode Karman. C'est une méthode d'avortement qui, justement, ne blessait pas les femmes. Et c'était une méthode qui a permis de sauver énormément de vies humaines. Donc le MLAC, c'était ça. Mais c'était aussi une façon de penser le monde aussi, une solidarité, un engagement, une confiance, une bienveillance, une tendresse aussi. Et une façon de voir la médecine aussi qui était différente. Et donc c'était super intéressant de plonger là-dedans et de se dire d'accord, c'était ça. Ça va au-delà de ça, en fait. Ça va au-delà de l'avortement. Oui, ça parle aussi de la question du soin et être du côté horizontal aussi, pas le côté : il y a un médecin qui est un sachant et le patient qui est une personne ignare et qu'on ne considère pas. Mais au contraire, on fait qu'on l'inclut dans le processus de la guérison ou du soin, etc. Et donc c'est vraiment une vision du monde, je pense, je ne sais pas si je dirais utopique, mais qui porte quelque chose. Les valeurs du MLAC sont des valeurs, je dirais très nobles et c'est des valeurs qu'on tend à perdre aujourd'hui. Et je trouve qu'il y a une vision de ce monde-là, de ce monde qui n'est plus et que j'ai trouvé très intéressante à revisiter et à interroger et aussi moi à me mettre à la place des personnages et de mon personnage et me dire "Est-ce que je serais prête à m'engager aussi de la même façon ?" Donc...

Il y a un risque en plus.

Z.H. : Il y a complètement un risque. Mais en fait, elles sont hors la loi. Ce n'est pas clandestin, mais elles sont hors la loi. Et donc oui, il y a un risque, même si à l'époque le risque était plus toléré. Et on voit au fur et à mesure dans le film.

Toléré aussi, je pense, parce que justement, c'est vraiment sans danger et qu'il n'y a pas d'accident. 

Z.H. : Oui et puis c'était un problème de santé publique total les avortements illégaux. Donc voilà donc le MLAC, je connaissais, mais de loin. Et c'est marrant, j'ai regardé un film d'Agnès Varda pour préparer le film L'une chante, l'autre pas, je ne sais pas si tu l'as vu, mais c'est ça un film qui parle aussi de féminisme et du MLF, du combat des femmes dans les années 70. Et ça commence par un avortement justement illégal et un avortement douloureux, un avortement solitaire, vraiment l'inverse de ce qu'on raconte dans le film. Et ça, c'était aussi... J'avais envie de voir ce film aussi, pour capter l'ambiance de cette époque et les combats de cette époque. Et vraiment, il y avait une atmosphère, je pense, dans les années 70... Je ne dis pas que c'était mieux avant, il y avait des choses bien et des choses moins bien, mais il y avait, je ne sais pas, une atmosphère comme ça, un engagement... Je me pose la question est ce qu'il est... Si, il est quand même là encore aujourd'hui, mais voilà maintenant il y a beaucoup d'écrans entre les gens. Non mais je pense qu'en effet, c'est un problème ça, c'est un engagement un peu de façade sur les réseaux qui fait que dans la vie, est ce qu'il y a un réel engagement ou un réel échange ou de la nuance aussi dans le propos et de l'empathie aussi, et comprendre les positions des autres ? Tout ça. Bref.

Tu parlais tout à l'heure aussi les femmes du MLAC qui expliquent le geste et qui disent aux hommes justement vous vous parlez pas, vous faites votre truc... 

Z.H. : Exactement. C'est vraiment la question de la parole aussi, à l'intérieur du processus, je vais dire de guérison, même si là ce n'est pas une guérison puisque c'est un avortement, mais de vraiment reprendre la parole, s'approprier la parole, traduire les choses avec nos mots pour devenir sujet et non plus être passive en fait. Et ça, je pense que c'est très important, parce que là où il y a le silence, c'est là où les choses cicatrisent mal. Et si on sort les choses-là, il y a une possibilité de cicatrisation. Et même si dans le film, l'avortement, c'est une délivrance pour certaines, parfois, c'est une souffrance. Mais ce que j'aime aussi, c'est que les femmes du MLAC ne jugent pas celles pour qui c'est une souffrance. Elles entendent, elles accueillent la parole, elles accueillent l'émotion et il n'y a pas de jugement et elles vont faire le geste. Elles vont essayer de comprendre et elles vont dire "Cette décision t'appartient. Il n'y a que toi qui peux choisir puisque c'est ton corps." Et c'est vrai qu'il n'y a que nous qui pouvons choisir parce que c'est nous qui portons les enfants. 

Et on voit que ce n'est pas toujours le cas d'ailleurs.

Z.H. : Voilà. Et dans le film, oui, voilà, ce n'est pas toujours le cas. Et du coup, voilà, cette place de la parole, d'expliquer, de transmettre, de communiquer, d'enlever le tabou aussi, parce que le tabou, il y a une honte aussi qui vient de là et qui fait énormément de mal et au contraire pouvoir l'exprimer. Et c'est ce qui s'est passé aussi sur le film, c'est que de faire un film qui parle d'une chose aussi intime, ça va créer des endroits de parole aussi. On était beaucoup plus intimes directement en fait, avec les autres, avec mes camarades. Déjà, on était des tablées de femmes à la cantine et forcément, on parle de ça et donc on va parler de notre intimité, on va parler des choses, des violences qu'on a pu subir. Je dis les violences, mais pour moi, il y a un large spectre de violence. Ça peut être le regard salace dans la rue, la réflexion au boulot, le fait d'être réduite à un objet de désir et pas quelqu'un de pensant et un sujet qui a une conscience du monde, etc. Et en fait, c'était super intéressant parce que ce qui se jouait dans le film, cet endroit de parole en fait, se jouait aussi en coulisses et ça, c'était... Moi, j'adore ça quand ça fait ça dans les films, sur les tournages, quand on fabrique un film, quand les choses se mélangent comme ça et qu'on ne sait plus très bien où on est. Et en même temps, on adore cette confusion-là. Moi, j'ai trouvé que c'était un espace d'échange et de réflexion et de questionnement qui était cathartique, ouais, parce que Blandine met en scène la tendresse en fait. Et donc elle nous disait "N'ayez pas peur de vous toucher, n'ayez pas peur de vous regarder, de vous accompagner." Donc, quand on avait une actrice qui venait pour une journée seulement jouer une scène d'avortement, donc déjà de venir pour une journée sur un plateau, c'est assez intimidant. Moi, je trouve en tout cas, quand je l'ai vécu, j'étais "OK, j'arrive face à un groupe qui est soudé, qui travaille ensemble depuis des semaines" et en fait, il y avait une façon de faire. On savait en fait ce qui était en jeu pour l'actrice qui venait jouer. On savait qu'elle mettait quelque chose d'intime là-dedans, même si on met toujours des trucs intimes quand on joue. Mais là, il y a une question d'intimité physique ou en tant que femme, on se comprend et donc on était là et on l'accueillait. Et il y avait vraiment un truc d'énergie, on était autour et on accueillait les émotions et c'était quelque chose qui était super, c'était bouleversant en fait, il y avait quelque chose qui se livrait et on était... Le fait qu'on soit toutes femmes, qu'on soit sur un pied d'égalité. Non, mais vraiment, il y a une expérience commune du corps et de la société en fait, et peu importe la classe sociale en fait. Finalement, il y a quand même quelque chose de commun qui est très fort. 

Effectivement, l'avortement reste encore tabou aujourd'hui, ça reste quelque chose qui n'est pas encore acquis.

Z.H. : Je pense qu'il y a énormément de confusion en fait sur la question de l'avortement, de considérer quand est ce qu'on considère des cellules, on dit que c'est un être humain ou pas. Et je veux dire, je peux comprendre aussi des peurs de certaines personnes, mais en fait, on arrive au bout de ces peurs en parlant, en échangeant, en expliquant, en faisant de la pédagogie, et je peux comprendre aussi que ce soit un endroit intime où ça frotte, mais par contre, je n'accepte pas le fait qu'on retire des droits aux femmes. Je peux comprendre certaines réserves, parce que je ne suis pas autoritaire, mais du coup, c'est encore tabou. Et j'espère que ce film, justement, sera présenté aussi, ce qu'on disait avec India Hair, dans des collèges, dans des lycées, dans des associations. Parce que je pense que c'est un film nécessaire qui fait que l'avortement n'est pas vu comme quelque chose de sordide, mais au contraire comme quelque chose qui peut être lumineux, comme quelque chose qui peut être solidaire, qui peut être partagé. Et du coup, voilà un truc dans la solitude et dans l'isolement et de se dire "Mince" et c'est dommage, quoi. C'est là ou justement, ce qu'on disait, ça fait des cicatrices énormes ou en tout cas des failles énormes, parce que c'est, il faut se taire là-dessus.

C'est jamais facile en plus un avortement, quelle que soit la raison.

Z.H. : C'est jamais facile, non, ce n'est jamais facile, mais c'est comme tout acte. C'est un acte médical. Donc c'est jamais facile dans le sens aussi, tu te fais opérer, je ne sais pas, des amygdales ou végétations, ce n'est pas facile dans le sens où il y a quelque chose du corps qui est impliqué. Donc oui, ce n'est pas facile et justement. Mais là, en plus, il y a un tabou autour de ça, tu dis, mais ce n'est pas possible, en fait, on fait que stigmatiser ce truc-là, au contraire, parlons en, parlons en librement. Mais bon, ce n'est pas facile, mais je pense que ce film en tout cas, j'espère, va ouvrir la parole là-dessus comme sur nous ! Ça crée ça ! Ça a créé entre nous, actrices, en tout cas un endroit d'échange. Et donc je me dis bon, si ça a créé ça sur nous, ça va créer ça sur d'autres personnes et tant mieux et effet boule de neige et parlons, parlons.

Tu en as parlé du coup avec ta belle-mère ? 

Z.H. : Oui, j'en ai parlé. J'en ai parlé avec ma belle-mère. J'en ai parlé avec ma grand-mère, j'en ai parlé avec mon père. J'ai eu une fille récemment, je vais lui en parler. J'en ai parlé. Oui, j'en parle, j'en parle, mais j'en parle à mes copains, j'en parle à mes copines, j'en parle à mes frères. Mais bon nous, ce n'est pas vraiment tabou aussi dans ma famille, donc j'ai la chance. Puis ça fait prendre conscience aussi de plein de choses quoi, des violences gynécologiques aussi. Et ça, de dire " Ah ça, c'est une violence gynécologique. Ça, je l'ai analysé et ça, je le comprends." Non, mais c'est vraiment la question du choix et d'être un sujet pensant quoi ne pas être passif justement, mais de prendre le pouvoir. Et donc j'espère que ce film fera évoluer les choses et en tout cas. Je pense que c'est vraiment un film intergénérationnel. De toute façon, le casting était intergénérationnel, je pense que ça allait de seize ans à 70 ans. C'est vraiment un film où je pense qu'il faut faire des sorties familiales et y aller en famille. Pour les jeunes aussi de montrer en fait ce que c'est et de dédiaboliser ou sortir du placard et des zones d'ombre. Et en fait de montrer, de nommer ce qu'on peut nommer. On peut le soigner, on peut le guérir, on peut en discuter, on peut et c'est ça... Moi, j'ai un petit frère de seize ans, il va aller le voir aussi. Il va aller le voir parce que oui, parce que voilà tout le monde...

Et puis je disais à Yannick tout à l'heure, son rôle est super.

Z.H. : Il est beau.

Il est magnifique, ce rôle. 

Z.H. : Rho, il est trop beau. Moi, je suis fan de cette histoire, ça m'a bouleversé quand j'ai vu le film. Sur le couple, ce que ça raconte sur le couple, j'ai trouvé. Justement, je me disais, souvent les histoires d'amour, il y a soit la rencontre ou soit la séparation, et donc ça qui se déchire, c'est houleux ça se parle mal ou soit, ça s'aime, ça fait l'amour tout le temps et puis ça ne vit que d'amour et d'eau fraîche, mais l'entre deux... Et j'ai trouvé que l'histoire d'amour, en tout cas au scénario, je l'avais lu, mais incarné par Laure et par Yannick et filmé par Blandine. Vraiment, il y a beaucoup de force dans cette histoire d'amour et j'ai trouvé ça très, très, très émouvant. La fin ça m'a bien fait pleurer. 

Bande-annonce du film Annie Colère : 

Synopsis du film Annie Colère :

Février 1974. Parce qu’elle se retrouve enceinte accidentellement, Annie, ouvrière et mère de deux enfants, rencontre le MLAC – Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception qui pratique les avortements illégaux aux yeux de tous. Accueillie par ce mouvement unique, fondé sur l’aide concrète aux femmes et le partage des savoirs, elle va trouver dans la bataille pour l’adoption de la loi sur l'avortement un nouveau sens à sa vie.

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