Clovis Cornillac : Le cinéma, c'est particulier, c'est pas mieux ni moins bien que les plateformes ou la télé, c'est le cinéma !

Par Julie de Sortiraparis · Publié le 7 février 2023 à 21h06
A l'occasion de la sortie en salle de la comédie dramatique, "Les Têtes Givrées", de Stéphane Cazes le 8 février, l'acteur Clovis Cornillac, titulaire notamment du César du Meilleur acteur dans un second rôle dans "Les Chatouilles", s'est confié à Sortiraparis sur ce nouveau film.


Est-ce que vous pourriez commencer par parler de votre personnage dans les Têtes givrées ?

Clovis Cornillac :C'est le personnage d'Alain. C'était un ancien entraîneur de ski de haut niveau. On sent qu'il s'est passé un drame dans sa vie, qu'il s'est un peu enfermé. Et il a une opportunité parce qu'il manque des professeurs aujourd'hui dans l'Éducation Nationale. Il a une proposition de devenir prof dans un collège pour une classe de SEGPA. Et en fait, ce personnage va redonner vie, enfin confiance plutôt que "vie". Il va donner confiance, il va donner en tout cas envie. Créer du désir chez des élèves qui sont un peu en perdition et qui ont un cruel manque de confiance en eux. Et lui à travers ça, il va aussi reprendre goût à la vie, à la confiance et tout ça. Donc c'est un chemin, un chemin assez vertueux. Et tout ça sous fond de, enfin sous fond, c'est un drôle de mot par rapport à l'histoire, mais on va dire, lié à un grand projet et qui est lié au réchauffement climatique.

Comment avez-vous préparé le rôle dans le film ?

C.C. : Souvent, quand vous allez jouer dans un film, vous avez un personnage qui a un métier et la moindre des choses, c'est d'essayer d'aller rencontrer les gens qui pratiquent ce métier-là. Parce que tu n'as pas envie de trahir une profession ou une manière de... Enfin, voilà, tu vas en saisir des choses et tu fabriques avec... Mais en tous les cas d'essayer de ne pas trahir. Et j'ai rencontré un type absolument remarquable qui s'appelle Vincent Fayet et qui travaille un peu, justement, comme le personnage d'Alain, c'est-à-dire ce quelqu'un qui a une vision de l'éducation que je trouve assez passionnante et qui marche, où il déstructure les salles de classe. Il s'est posé la question de se dire "Est ce que c'est vraiment le meilleur moyen d'enseigner que d'être l'homme du savoir face à des gens qui se taisent et qui doivent apprendre et à ne pas se copier les uns les autres ?" Il a cassé ça, il casse la classe, en gros, il crée des groupes qui s'entraident, qui apprennent ensemble. Et lui, il reste au milieu la figure professorale. Il n'y a pas... Ses classes, ce n'est pas le bordel du tout. Et les élèves, ça marche. C'est-à-dire que bien, ils obtiennent leur diplôme et tout ça. Mais la grande différence, c'est qu'ils vont à l'école, ou au lycée, ou au collège avec envie quoi. Parce que tu dis "je vais bosser, je vais apprendre des trucs avec mes potes et tout ça" et cette notion-là, je trouve qu'avec Vincent Fayet, vraiment, ça marche, quoi.

C'est ça, et finalement, dans le film, avec leur projet, ils sont obligés de prendre leur vie en main aussi, de téléphoner pour devenir des bâches.

C.C. : Alors là, dans le film, ouais. Dans le film, il les responsabilise beaucoup, il leur donne... Et ça, c'est assez formidable. Et puis le cinéma nous permet aussi, en un temps très court, de voir à quel point donner aux gens, et notamment à cette jeunesse, de dire qu'il faut croire en ses rêves. Je pense que c'est un mantra qui est très positif parce que c'est, encore une fois, ce n'est pas le résultat qui compte, c'est la démarche quoi. À partir du moment où tu ne t'interdis pas d'y aller, alors la démarche, elle te produira forcément des choses. Et ça, c'est ouais, c'est très vertueux.

C'est ça qui est très beau effectivement, c'est que final, c'est qu'il ne va pas sauver le glacier avec sa classe de SEGPA. Mais le fait d'essayer de faire quelque chose, d'agir et de leur montrer qu'ils peuvent être acteur de leur propre vie les révèle et les transforme.

C.C. : Bien sûr. Pour chacun d'entre nous, pour nos gamins et tout ça, je veux dire "mais vas-y !" Tu vois, la question, elle n'est pas...

C'est d'ailleurs ce qui répond à Inès qui veut aller détruire le chantier de son père : "vas-y, fais-le qu'est ce qui t'en empêche ?"

C.C. : Et ça, c'est quelque chose qui est qui nous parle. Enfin, moi, j'ai des gamins et tout ça. Moi ce n'était pas croire en ses rêves le truc, c'est soit heureux. Donc la quête du bonheur, c'est croire en ses rêves. Enfin, c'est essayer d'aller vers.

Et qu'est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?

C.C. : Ben tout ça. Alors, il y a plusieurs choses. Il y a évidemment les thématiques que je trouve vraiment intéressantes, que ce soit l'éducation, le rapport aux gamins, le rapport à soi et évidemment la transition écologique, mais aussi la notion de cinéma. C'est-à-dire que c'était important pour moi de voir avec le réalisateur, que je connaissais pas à l'époque, Stéphane. Quand j'ai lu le scénario, que j'ai trouvé très habile et tout ça, j'ai vu un mec qui n'était absolument pas cynique et qui ne venait pas prendre des sujets, des thématiques un peu actuelles pour en fait faire un film, mais qui était très impliqué dans toutes ces thématiques-là. Et là où je l'ai interrogé, c'était sur son envie de cinéma, c'est-à-dire de dire "pourquoi une faire au cinéma ?" Aujourd'hui, t'as les plateformes, t'as la télé, t'as tout ça, il y a des très beaux programmes, donc pourquoi le cinéma ? Et je pense que c'est une question quand on réalise des films qu'il faut qu'on se pose, de se dire "Qu'est ce qui fait que les gens qui vont payer un billet, qui sont censés venir payer un billet pour aller au cinéma, on ne les a pas enfumés ?" Parce qu'ils peuvent, voilà, il y a des choses... Le cinéma, c'est particulier, c'est pas mieux ni moins bien que les plateformes ou la télé, c'est le cinéma, donc il faut que ça ait du sens, faut avoir envie de fabriquer aussi du cinéma, quelque chose qui a à voir avec le cinéma. Donc ça, c'était une de mes questions et effectivement, il avait envie de cinéma. Et je crois que le film, à mes yeux, il y a du cinéma.

J'avoue que moi, j'avais un peu peur de la thématique écologique qui ressort beaucoup et finalement elle est très bien traitée. C'est ce n'est pas "On ne va pas, on va changer le monde en une action d'une classe", c'est "On va faire de notre mieux pour essayer d'avoir le meilleur avenir possible."

C.C. : Oui, et puis avec cette chose qui est très complexe aujourd'hui, dès qu'on aborde le sujet de l'écologie ou de la climatologie, ou... C'est que dès que tu dis que tu fais quelque chose à ton petit niveau et tout ça, souvent t'as des gens en face qui se sentent agressés quoi. Et tu fais, "Je ne donne pas de leçons quoi". La seule chose qu'on peut constater, tous les Terriens, aujourd'hui, peuvent le constater : "Oui, il y a un énorme problème." Tu fais des choses à ton échelle, donc tu partages "Oh bah non mais moi finalement, je fais ça et tu..." "Ah oui, mais alors tu fais ça, mais tu ne fais pas ça et tout" Mais non, je suis loin d'être parfait, vraiment, j'y vais par... Et c'est marrant comme dès que tu communiques là-dessus, tout le monde se sent agressé quoi. "Oui, j'ai une voiture. Et alors ?" Mais... Franchement, je ne veux pas t'agresser parce que tu as une voiture, on parle du truc, "Moi, je peux m'en passer, je m'en passe, tu ne peux pas t'en passer, je ne t'en passe pas." Mais c'est marrant comme très vite, ce sont des sujets qui sont... Alors effectivement, il y a ceux qui t'agressent systématiquement en disant "Tu ne fais pas ça, tu ne fais pas ça", mais ça dans tout, c'est insupportable dans n'importe quoi, ce n'est pas une manière d'échanger entre humains quoi, franchement. Mais là, on a un vrai souci qui dépasse les clivages politiques. Donc c'est désespérant de voir le COP 28 et de voir qu'il ne se passe rien à l'arrivée et je me dis ", c'est ça qui fait mal". "On ne parle pas de politique les amis, là." Et ça me fait vraiment penser à un truc qui a été fait pour le coup sur Netflix, qui s'appelait Don't Lookup et qui était à mon avis... Plus je vois comment ça avance de temps en temps, plus tu te dis, mais c'est fou quoi. C'est-à-dire, tu fais une fable cynique comme ça, rigolote mais terrifiante. Bon voilà, c'est une comète, elle arrive, tout le monde la voit et puis voilà, des États entiers disent "Non, il n'y en a pas, non." Et là, t'as l'impression, tu fais "Mais c'est fou, ça brûle chez toi, il y a des inondations, il y a des machins, tout" Même les climatosceptiques aujourd'hui, ils disent pardon, on s'est trompé. Donc tout le monde est d'accord et personne ne se met d'accord. Tu fais "Oh la vache, ça, c'est fou" quoi on est vraiment des gamins quoi, on est vraiment encore des têtards quoi ! Tant qu'on ne sera pas sous l'eau, tant qu'on pourra encore un peu respirer. Je dis "Ah bah non, c'est bon."

"Jusqu'ici, tout va bien" On en est toujours là.

C.C. : C'est fou quoi. Ouais, ouais

Comment pensez-vous que le film peut encourager les gens à prendre des mesures pour protéger la planète ?

C.C. : Oh, je ne sais pas.

Ce n'est pas forcément l'objet du film en fait.

C.C. : Ouais, non, je ne pense pas. Je pense que oui, il y a une chose à mon avis, pour la transition climatique écologique, c'est une prise de conscience personnelle. Donc ça fait partie, je pense que ce film fait juste partie de quelque chose de généreux, pas du tout clivant, pas du tout agressif, pas du tout... Mais où peut être bah, tu vois, deux semaines après, un mois après avoir eu le film ou tout ça, bah il y a des petites choses qui viennent et où tu dis... Finalement, c'est assez doux.

C'est ça, pour moi, c'est un feel good movie.

C.C. : Ah bah ouais, c'est un vrai feel good, mais qui a des thématiques et tu fais : "Ben oui, peut être, ça fera un petit chemin" voilà. Et tant mieux.

J'étais impressionné, moi, par le jeu d'acteur des gamins qui sont très jeunes et qui sont superbes ! Comment vous avez travaillé avec eux ?

C.C. : Ils sont vachement bien !Bah, déjà, Stéphane, le réalisateur, était vraiment... Il ne les a pas lâchés, tout en douceur, mais il les a jamais lâchés. Et moi, j'ai essayé d'être le relais aussi, de ne pas les lâcher et de... Je ne voulais pas les connaître avant. J'ai dit à Stéphane "Je ne veux pas les rencontrer avant." On va faire dans l'ordre dans le film et on va installer quelque chose qui va se faire au fur et à mesure des jours de tournage. Et ça a assez bien marché en fait.

Donc la relation s'est vraiment construite au fur et à mesure ?

C.C. : Oui, je voulais la maîtriser. Je savais que j'avais des scènes avec l'un, avec l'autre et tout, et qu'une fois que t'avais... Que un te connaissait un peu mieux que, tu lui avais... Donc il était super content donc du coup, ça faisait circuler l'info au milieu du groupe. Et tu sais, c'est comme ça qu'en fait un prof... Tu vois, tu dis "ah non mais moi, je l'aime bien." "Ouais non mais attends, il est quand même machin." "Ouais, mais il est" Et en fait, il y a cette... Voilà, j'aimais bien cette idée-là.

Super ! Merci beaucoup.

Dans quelles salles proches de chez moi est projeté le film Les Têtes givrées ?

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