Roschdy Zem passe derrière la caméra pour la première fois et signe une comédie réussie sur la mixité dans les couples.
Clara est juive, Ismaël est arabe. Ils forment un couple heureux et épanoui. Lorsque Clara tombe enceinte, c’est le plus beau jour de leur vie. Jusqu’ici tout allait bien…
Mais leur héritage culturel va compliquer leur vie bien plus qu’ils ne pouvaient l’imaginer
Interview : Roschdy Zem
Comment est né le projet Mauvaise Foi ?
Un jour, Philippe Godeau, le producteur du film, m'a proposé d'écrire un scénario sur une relation entre une juive et un arabe, en France. Philippe connaît ma vie privée et il a toujours été étonné que je vive avec une femme juive, qu'on ait des enfants et que ça se passe bien. Il pensait qu'il y avait là un vrai sujet de film.
En me mettant au travail, spontanément j'ai voulu traiter ce sujet du couple mixte sous forme de comédie. Ce qui est étrange c'est que c'est assez tard dans l'écriture, et surtout pendant le tournage, qu'une forme d'âpreté est venue se calquer sur le film, naturellement.
Vous aviez envie depuis longtemps de réaliser un film ?
Non, depuis le début, les choses étaient claires entre Philippe Godeau et moi : je devais seulement écrire le film et jouer dedans.
Mais après la première version du scénario, quand on a commencé à chercher un réalisateur, Philippe m'a vite fait comprendre qu'il serait plus tranquille si c'était moi qui réalisais le film. C'est vrai qu'en écrivant, on pense assez vite à des images, à des plans, à un découpage Par ailleurs, je m'étais clairement écrit un rôle dans ce scénario, alors finalement je suis resté acteur et devenu réalisateur, tout ça de manière cohérente, poussé par Philippe.
Comment avez-vous travaillé avec Pascal Elbé, à l'écriture ?
Au bout de quelques mois d'écriture, j'ai rencontré quelques difficultés et la solution à mon problème a été Pascal. Au-delà du fait que j'ai apprécié de travailler avec lui, le fait qu'il soit juif a été intéressant sur ce travail.
Pendant l'écriture, je me posais souvent deux questions :
Jusqu'où peut-on aller dans l'humour juif ?
Et : Jusqu'où pourrais-je aller dans la dérision à l'égard de l'Islam ?
Or ce qui s'est produit était drôle car, assez vite, j'ai dû le freiner sur son humour sur les juifs et il a dû me freiner sur ce que je disais à propos des musulmans. La censure ne venait pas d'où l'on pouvait l'attendre.
La mixité, un sujet difficile ?
Le couple mixte, ce n'est pas un sujet grave en soi, s'il peut apparaître comme tel, aujourd'hui, c'est parce qu'on est dans un repli communautaire et qu'on s'approprie un conflit qui a lieu à des milliers de kilomètres de chez nous. J'espère qu'on verra, à travers la façon dont tout cela est traité dans le film, notre idiotie à tous parce qu'on est tous responsables de ça.
Ce que j'ai voulu montrer aussi, c'est que la différence entre Clara et Ismaël aurait pu être tout autre. Tout le monde a connu ce type de situation, mais sous différentes formes. Il y a des couples qui ont connu des difficultés parce qu'ils étaient issus de couches sociales différentes. Il n'y a pas que des histoires de race ou de religion. Pour les familles, quand quelqu'un arrive et ne leur ressemble pas, ça devient souvent problématique.
Mon film, c'est un film sur le compromis. Aujourd'hui, les gens ne veulent plus faire de compromis or, moi, je pense qu'on ne peut avancer, dans la vie, qu'avec des compromis.
C'est un film engagé ?
Oui, à mes yeux c'en est un. Il l'est devenu encore plus au moment du tournage qu'à l'écriture. Parce qu'à un moment il s'est agi de parler sincèrement et honnêtement, alors forcément, c'est engagé.
Comment trouve-t-on l'équilibre entre comédie et drame, sur un sujet comme celui-ci ?
Je n'ai pas cherché d'équilibre, j'ai voulu que les personnages soient toujours spontanés, pas trop réfléchis. Je voulais que les réactions qu'ils amenaient, dans le film, ne soient pas des actes prémédités. Je ne voulais rien de sous-jacent, pas même dans les dialogues, je ne voulais rien qui puisse être vicieux ou pervers, dans le ton.
Mais il n'y avait pas à chercher à être drôle, parce que, ce qui est drôle c'est l'acte même de se prendre la tête sur un sujet qui tourne autour de la religion Par exemple, se demander à quel âge on va circoncire l'enfant parce que chez les juifs, c'est à 8 jours et chez les musulmans, à quelques années. Quand on se retrouve témoin d'une scène comme ça, dans la vie, même face aux gens les plus sincères, c'est drôle parce que c'est totalement absurde ! Mais pour chacun d'eux, c'est très important de savoir à quel âge ils le feront. Je voulais montrer toute l'absurdité de ces situations.
Comment avez-vous choisi vos acteurs ?
J'ai eu les acteurs qu'il fallait pour le film.
Cécile est arrivée assez vite à nos esprits. Il fallait une fille qui soit jolie, bonne actrice, qui puisse incarner une femme de notre temps, active. Ce que je disais souvent c'est que ce personnage, Clara, si un type lui met la main aux fesses, elle se retourne et lui met un coup de tête. Voilà, je voulais la beauté, mais aussi ça, et Cécile, c'est comme ça que je la vois. Personne ne ressemble plus à Clara que Cécile.
Pascal Elbé, c'est une autre histoire, il a été très malin sur ce film, parce que, très vite, dans notre travail commun sur le scénario, il y a un personnage qui s'est dessiné et qui a commencé à lui ressembler. Et je voyais bien où il voulait en venir Au début, Milou, je le voyais petit, un peu gros, pour faire un tandem de comédie et je n'imaginais pas un type grand, charmant et élégant comme Pascal. C'est lui qui m'a emmené vers ça et j'ai eu beaucoup de plaisir à le laisser faire.
Pour les autres seconds rôles, je ne voulais pas des stars, je voulais surtout de bons acteurs, ces rôles importants pour moi. J'ai pris conscience que les acteurs qui me surprennent au cinéma, ce sont des gens de théâtre, donc j'ai fouillé de ce côté là avec mon directeur de casting, Frédéric Moidon. Martine Chevalier, Bérangère Bonvoisin, je cherchais exactement ce type d'actrice qui s'impose naturellement. Jean-Pierre Cassel, je le voyais très bien en train de faire du vélo dans mon film et aussi en père de Cécile de France.
Comment avez-vous dirigé vos acteurs ?
J'ai essayé de diriger ce film, un peu comme je fais mon travail d'acteur, de façon assez instinctive. J'arrivais avec le découpage à l'esprit et une idée des zones dans lesquelles j'avais envie que les acteurs aillent, mais il fallait aussi que j'aie la faculté de détruire ça en une minute en fonction de ce qu'on allait me donner pendant les répétitions. C'est comme ça que j'avais pensé la mise en scène et c'est comme ça que ça s'est passé. Ne jamais arriver avec des convictions..
Diriger c'est aussi donner le rythme et le ton. J'ai une mélodie dans l'esprit et il faut emmener les acteurs vers ça. Ils savent jouer, c'est leur métier, ils finissent par connaître leur personnage mieux que moi, à un moment, alors j'essaie de leur donner un maximum de liberté, et je retouche parfois.
Envie de recommencer la mise en scène ?
Ca me donne envie d'en faire d'autres, à condition qu'un sujet soit aussi important que celui-là, à mes yeux. Mais tourner pour tourner, ça ne m'intéresse pas.
Interview : Cécile de France
Comment définiriez-vous votre personnage ?
Clara est juive mais je n'ai pas construit un personnage de juive,
spécifiquement. En fait Clara me ressemble. Elle a mon âge, c'est
une Parisienne, e lle a un travail (psychomotricienne), elle a une place
dans la société, disons que tout va bien pour elle.
Mais le personnage de Clara se révèle surtout dans le couple qu'elle
forme avec Ismaël ainsi que dans les épreuves qu'ils vont devoir affronter.
Est-ce un rôle différent de ceux que vous avez interprétés jusque-là ?
Ce rôle est pour moi très singulier. Habituellement je choisis plutôt