Gente de Bién : notre interview du réalisateur Franco Lolli

Par · Publié le 16 mars 2015 à 0h10
Gente de Bién, en salles le 18 mars 2015, est un film colombien réalisé par Franco Lolli. Le jeune Brayan Santamaria y incarne Eric, 10 ans, qui se retrouve du jour au lendemain chez son père (Carlos Fernando Perez), un menuisier trop pauvre pour s'en occuper correctement. Une de ses riches clientes (Alejandra Borrero, véritable icône en Colombie) lui propose de prendre Eric sous son aile, mais ses efforts semblent vains... Nous avons rencontré le réalisateur pour parler ensemble de ce film que nous avons tant aimé.

Gente de Bién est un film remarquablement intelligent puisqu'il présente, à travers le regard d'un enfant, la difficulté pour une personne démunie d'être aidée. Franco Lolli, jeune cinéaste franco-colombien, signe là son premier long-métrage : une réussite sensible et esthétique. 

Nous l'avons rencontré quelques jours avant la sortie du film à Paris, dans un café du 11ème arrondissement, pour discuter de son expérience d'écriture, de tournage avec un très jeune acteur et de ce qu'il aime... Avant de découvrir notre interview, voici la bande-annonce du film : 

Sortir à Paris : Bonjour Franco, peux-tu nous raconter l'écriture du film, dont on sait qu'elle est en partie autobiographique ? 

Franco Lolli : L'écriture du film a duré très longtemps, entre trois et quatre ans. Pendant ces quatre ans, j'ai écrit pendant quatre mois. Ce qui était difficile était de me mettre à écrire et d'accepter ce que j'allais raconter. C'est une histoire qui s'est imposée à moi parce qu'elle part d'un traumatisme d'enfance. Je n'ai jamais connu mon père, qui est mort avant que je puisse le connaître. Tous les films que j'écrivais, courts ou longs métrages, racontaient une filiation père-fils. Une filiation compliquée. Et je me demandais pourquoi... Ça a été un travail psychanalytique de sortir cette histoire personnelle à travers de la fiction cathartique. 

Sortir à Paris : Du coup, tu as entretenu un rapport particulier avec le jeune acteur (Brayan Santamaria) ? 

Franco Lolli : Il était sensé me jouer moi, d'une certaine façon. Je ne le connaissais pas avant : le casting a duré sept mois, on a vu 2000 enfants, avant d'arriver à lui. Aucun des enfants ne portait ce que je voulais... Pourquoi ? Parce que ce n'était pas lui. Quand on l'a vu lui, c'était sûr que c'était lui. Par rapport aux autres, il a une spontanéité, un regard hyper vif, une sorte de survie au quotidien. 

Sortir à Paris : Il a apporté une touche d'improvisation ? 

Franco Lolli : Oui, il y a beaucoup d'improvisation dans le film, d'ailleurs je ne donne pas de scénario aux acteurs. Du coup, ils sont forcés d'improviser un petit peu, même si la scène est écrite. Ils doivent parler avec leurs propres mots, et parfois ils sortent des trucs qui ne vont pas du tout dans le sens de ce qui était écrit, mais qui est mieux. 

Sortir à Paris : Tu as une anecdote ? 

Franco Lolli : La scène où il danse avec son père n'était pas écrite. Quand j'ai rencontré Brayan, il m'a dit qu'il voulait devenir chanteur de reggaeton. Pendant le tournage, il passait tout son temps à chanter avec l'acteur Carlos Fernando Perez. En les voyant, je me suis dit que ça ferait une scène. Autre anecdote : pendant le dîner de famille à la fin du film, tout le monde se lève pour raconter des blagues. Brayan était sensé être triste et bouder. Mais les plans duraient tellement longtemps qu'il s'ennuyait et se levait pour raconter lui aussi des histoires. Et moi je lui disais d'arrêter, puis, à la troisième prise, je lui ai dit de continuer. Je m'adapte beaucoup à ce que proposent les acteurs car c'est souvent mieux que ce que j'avais écrit. 

Sortir à Paris : Le tournage s'est déroulé dans une ambiance très cinéma ou vivante (sachant qu'ils sont dans une maison de vacances) ? Je pense à la scène de la piscine, ma préférée : était-elle très écrite ? (NDLR : dans cette scène, le jeune garçon pauvre se retrouve très vite exclus des jeux des garçons riches.)

Franco Lolli : On a tourné cette scène pendant une journée, ce qui est beaucoup : le chef opérateur était dans la piscine et on demandait aux enfants d'improviser, de jouer jusqu'au moment où ils embêteraient Eric vraiment très fort. Parfois je devais relancer les enfants qui se mettaient juste à jouer... Le tournage était donc vraiment vivant. Je déteste les gens qui font du cinéma pour faire du cinéma, sur un grand plateau, avec pleins de lumières et "action". On peut faire un meilleur film à trois personnes qu'avec une équipe de 750 personnages. Parfois, je vire une partie de mon équipe du plateau pour que l'on soit plus concentré et que cela crée une relation plus intime. 

Sortir à Paris : Et pourquoi avoir choisi une actrice très populaire en Colombie (Alejandra Borrero) ?

Franco Lolli : Tous les autres sont des acteurs non-professionnels. Elle est l'actrice colombienne la plus célèbre, l'Isabelle Huppert colombienne. Et quand tu mets des acteurs non-professionnels avec une actrice professionnelle, ils élèvent leur jeu, et deviennent acteurs. Au contraire, quand tu mets une actrice professionnelle avec des acteurs non-professionnels, elle arrête de jouer et devient plus spontanée, plus réelle, et joue moins comme une actrice. Je voulais trouver le juste milieu et créer un endroit de sublimation du réel qui ne soit pas le réel. 

Sortir à Paris : Penses-tu que le film puisse être vu par des enfants, ou l'as-tu vraiment destiné aux adultes ? 

Franco Lolli : C'est un film qui peut et qui doit être vu par les enfants. Il va être étudié dans les classes d'Espagnol un peu partout en France. C'est le film parfait : tu peux t'identifier à tous les personnages parce qu'il raconte des histoires de famille que tout le monde connait, parce qu'il raconte des histoires de rapports de force entre des enfants. Ça apprend le respect, ça parle du harcèlement à l'école que, il me semble, tout le monde subit.

Sortir à Paris : Oui c'est un thème très actuel. 

Franco Lolli : Moi-même, on m'a beaucoup embêté à l'école, et j'ai beaucoup embêté les autres en retour. En fait, je trouve que c'est intéressant d'y réfléchir dans le cadre de classes sociales différentes. Par ailleurs, c'est un film qui me rappelle mon enfance, et qui me rappelle les films de mon enfance. J'ai le sentiment que c'est un film qui peut devenir la même chose pour des enfants de 10/12 ans : il appelle à des sensations très enfantines. 

Sortir à Paris : Pour finir, pour nos lecteurs de Sortir à Paris, un lieu que tu aimes à Paris ? 

Franco Lolli : Un restaurant à Belleville, le Guo Min. C'est le plus vieux resto chinois du quartier. Tout le monde va dans des petits restos un peu branchés, un peu bobos... Moi je trouve que celui-là est génial. C'est un grand resto à l'ancienne, il y a un milliard de plats sur la carte, il y a des plateaux qui tournent, et c'est très bon !

Informations pratiques :

Gente de Bién
En salles le 18 mars 2015 

Informations pratiques

Dates et Horaires
Le 18 mars 2015

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