Rose Royal : le spectacle de Romane Bohringer au Studio des Champs Elysées

Elle entre dans un bar avec un revolver dans son sac et un passé qui pèse... Sur la scène du Studio des Champs-Élysées, Anne Charrier prête sa voix et sa présence à Rose Royal, une adaptation libre de la nouvelle de Nicolas Mathieu, dès le 12 septembre 2025. Mis en scène par Romane Bohringer, le spectacle fait entendre les mots puissants de l’auteur, incarnés dans un monologue traversé de silences, de gestes suspendus et de confidences. Cette partition théâtrale repose sur un dispositif sobre, avec la voix off d’Éric Caravaca, une scénographie de Rozenn Le Gloahec et une mise en espace pensée pour faire résonner l’intimité du texte.

L’interprétation d’Anne Charrier, seule en scène, est le fruit d’une collaboration étroite avec Romane Bohringer, qui décrit cette aventure comme une traversée commune, empreinte de délicatesse et de sincérité. La musique de Benoît Delacoudre, la chorégraphie de Gladys Gambie et les lumières de Thibault Vincent complètent ce tableau volontairement épuré, centré sur une parole féminine directe, parfois abrupte, souvent bouleversante.

Rose Royal : le spectacle de Romane Bohringer au Studio des Champs Elysées — ©François Fonty

Une femme, un bar, une arme

Rose a cinquante ans. Elle est belle, elle connaît la vie, et surtout, elle n’attend plus rien. Dans son sac à main, un revolver. Une protection, une façon de dire qu’elle ne se laissera plus faire. Le soir, elle boit au Royal, un bar comme un autre. Et puis, ce choc. Un bruit sourd dans la rue. La porte s’ouvre. Un homme entre. Il est blessé, il ne parle pas, il a du sang sur sa chemise. Il a de belles mains. Il s’appelle Luc.

Ce point de départ, presque cinématographique, ouvre un récit entre banalité et tension, où la rencontre fait basculer la trajectoire d’une femme. À travers Rose, c’est toute une génération que le spectacle évoque : celles qui ont grandi avec les promesses d’émancipation mais qui se sont cognées à la brutalité du réel. Le texte s’attache aux détails, aux sensations, aux hésitations, et dévoile peu à peu les contours d’une intimité en résistance.

Une parole pour les femmes libres et lucides

Rose Royal s’adresse à celles et ceux qui aiment les portraits intérieurs, les récits courts et intenses, où chaque mot compte. Le spectacle pourrait toucher un public sensible aux thématiques féminines, aux enjeux d’émancipation, de solitude, de désir et de survie. Les spectateurs curieux de théâtre littéraire, où le texte occupe le centre, y trouvent une forme sobre et concentrée, presque minimaliste dans sa mise en scène.

En revanche, ce spectacle ne s’adresse pas à celles et ceux qui recherchent un théâtre spectaculaire, foisonnant, ou à grand renfort de dialogues et de personnages. L’absence de second rôle, le rythme introspectif et l’économie de moyens scéniques pourraient dérouter les amateurs de comédies ou de récits choraux. Rose Royal se vit comme une plongée dans un monologue incarné, frontal, assumé.

Un parcours artistique cohérent

Anne Charrier, co-adaptatrice du texte avec Gabor Rassov, revient ici à un théâtre plus intimiste après avoir navigué entre télévision, cinéma et scène, de Maison Close à Berlin Berlin, en passant par Le Canard à l’orange ou En attendant Bojangles. Elle défend ici un projet personnel, mûri dans le temps, porté par un désir fort d’interprétation. Pour elle, Rose est plus qu’un personnage : elle est le miroir d’une génération, d’un combat intérieur, d’une lucidité parfois violente.

Romane Bohringer, metteuse en scène du spectacle, s’inscrit dans une continuité artistique. Après avoir exploré l’écriture filmique avec L’Amour Flou, elle revient au théâtre pour accompagner une parole féminine qu’elle dit vouloir transmettre avec « sincérité, simplicité et humanité ». Le choix de cette nouvelle de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018 pour Leurs enfants après eux, s’ancre dans un théâtre du réel, où les histoires personnelles reflètent les failles collectives.

Une femme, un récit, un moment suspendu

Rose Royal propose une immersion dans la vie d’une femme à l’orée du basculement, entre rage sourde et désir d’attachement. Dans ce huis clos psychologique, tout semble à la fois tenu et prêt à éclater. Le texte de Nicolas Mathieu, adapté pour la scène avec fidélité et liberté, devient la matière première d’un théâtre de la parole, du ressenti et de l’intime. Porté par une interprète investie et une metteuse en scène attentive, le spectacle se présente comme un instant suspendu, entre lucidité et poésie.

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