Et si l’angoisse de mourir devenait un spectacle à part entière ? Le Théâtre de l’Épée de bois / Salle en pierre propose une plongée dans l’univers métaphysique d’Eugène Ionesco à travers Le Roi se meurt, pièce emblématique créée en 1962, mise en scène ici par Jean Lambert-wild, accompagné de sa fidèle collaboratrice Catherine Lefeuvre, du 2 octobre au 9 novembre 2025. Concernant la production, on y retrouve notamment Odile Sankara, Nina Fabiani, Vincent Abalain, Aimée Lambert-wild, Vincent Desprez, et un dispositif scénographique et technique pensé pour traduire l’effacement progressif du monde à mesure que s’éteint le personnage principal.
Dans cette nouvelle interprétation, Jean Lambert-wild incarne le roi Bérenger sous les traits de Gramblanc, son clown blanc, figure insolite et poétique, récurrente dans son travail depuis plus de vingt-cinq ans. Ce choix artistique crée un décalage volontaire entre la légèreté apparente du jeu clownesque et le fond tragique du texte, accentuant l’expressivité du personnage, sa démesure et sa désorientation face à l’inexorable. L’adaptation scénique assume la part baroque du texte, son goût du grotesque et de l’exagération, tout en rendant visible l’artifice du théâtre – un hommage revendiqué à la démarche de l’auteur lui-même.
Le Roi se meurt met en scène les dernières heures d’un monarque imaginaire, Bérenger Ier, soudain confronté à l’annonce de sa mort prochaine. Autour de lui, son royaume se désagrège, ses proches se préparent à son départ, mais lui refuse d’y croire, oscille entre la révolte, le déni, la peur, l’absurde. Le décor se fissure, les murs tremblent, l’espace rétrécit comme une peau de chagrin : tout l’univers s’efface peu à peu, au rythme de sa lente agonie.
À ses côtés, deux figures féminines opposent deux visions de la mort : la reine Marguerite, solennelle et déterminée, l’accompagne dans la séparation, tandis que la reine Marie, bouleversée et aimante, s’accroche à la vie. La tension entre ces deux femmes cristallise un conflit plus vaste, entre l’acceptation mystique du néant et le refus occidental de lâcher prise. Le texte d’Ionesco, traversé par des références au Livre des morts tibétain et à la mystique de Jean de la Croix, met en scène ce moment-limite où la conscience s’éveille au seuil du néant, entre frayeur et lucidité.
Cette version du Roi se meurt mise en scène par Jean Lambert-wild s’inscrit dans une recherche singulière autour de l’art clownesque et du théâtre métaphysique. Le personnage de Gramblanc ne cherche pas à imiter Bérenger, il l’absorbe, l’incarne dans une forme de présence brute, où le jeu se confond avec l’être. Le théâtre devient ici un rituel d’accompagnement, une cérémonie tragique où l’humour côtoie la panique, et où l’angoisse devient matière poétique.
Catherine Lefeuvre, co-adaptatrice du texte, poursuit ici son exploration de la langue comme outil de révélation, réinterrogeant la parole théâtrale à travers les filtres du doute, de la chute et du ratage – autant de figures chères au clown blanc. Ce traitement renouvelle la dramaturgie du texte, accentuant sa portée symbolique, sans la réduire à une illustration psychologique.
Cette création pourrait intéresser un public curieux des écritures théâtrales contemporaines, sensibles aux formes hybrides mêlant tragédie, poésie visuelle et geste clownesque. Les amateurs d’Ionesco, de Beckett ou de formes scéniques mêlant théâtre et performance pourraient y trouver une proposition fidèle à l’esprit de l’auteur, tout en étant réinterprétée avec liberté.
En revanche, ce spectacle ne s’adresse sans doute pas à un public en quête d’un divertissement léger ou narratif au sens classique. Son rythme volontairement lent, son esthétique de l’effacement et son sujet – la mort inéluctable – imposent une disponibilité émotionnelle et une certaine connivence avec les enjeux du théâtre de l’absurde et de la représentation symbolique.
Les éléments scéniques participent pleinement à l’expérience sensorielle du spectacle. Conçue comme un espace en ruine, la scène devient un reflet du corps malade du roi, chaque tremblement de son cœur ébranlant les murs de la salle du trône. La représentation épouse ainsi littéralement la trajectoire du personnage, dans une esthétique où chaque détail technique – lumière, son, mouvement – participe à l’effacement du monde.
La distribution réunit des interprètes issus d’univers divers – théâtre, cirque, cabaret, arts équestres – qui prolongent la dimension collective et transversale du projet. Chacun d’eux, à travers sa présence scénique, contribue à cette fresque crépusculaire et onirique, où la scène devient métaphore du passage, théâtre de l’ultime.
Dates et Horaires
Du 2 octobre 2025 au 9 novembre 2025
Lieu
Cartoucherie - Théâtre de l'Epée de Bois
Route du Champ de Manoeuvre
75012 Paris 12
Accès
Métro Château de Vincennes
Site officiel
www.epeedebois.com
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Représentations du jeudi au samedi à 21h, et les samedi et dimanche à 16h30



















