Covid-19 : la réutilisation des masques chirurgicaux interdite par la loi en France

Par Cécile de Sortiraparis · Publié le 13 novembre 2020 à 14h32
En France, il est légalement interdit de réutiliser les masques chirurgicaux. Une loi qui va à l'encontre des recommandations des experts et engendre beaucoup trop de déchets.

Il y a quelques jours, l'UFC-Que choisir nous assurait que les masques chirurgicaux peuvent être lavés et réutilisés jusqu'à dix fois. Une affirmation soutenue par des chercheurs, à l'origine de nouveaux procédés permettant de réutiliser ces masques. Une invention qui ne sera pas utilisée en France, puisqu'une loi empêche de mettre en application les résultats de cette recherche.

Les masques chirurgicaux sont-ils réutilisables ou non ? Techniquement, oui. En suivant les recommandations de l'UFC et des médecins, vous êtes toujours protégés même si vous portez le même masque plusieurs fois. Légalement, les masques chirurgicaux ne peuvent pas être portés plus de quatre heures. La faute au code de la santé publique, qui présente le masque chirurgical comme un dispositif médical à usage unique. Il faut donc le jeter lorsqu'il arrive à la fin de sa durée de vie réglementaire.

Ces règles strictes n'ont pas été pensées pour les situations que nous vivons actuellement, elles ont été écrites pour protéger les patients et les médecins dans le milieu médical, où le risque de contamination est élevé. La direction générale de la santé, citée par Le Monde, explique qu'« aucun texte réglementaire n’encadre la réutilisation des masques à usage médical pour le grand public » ; il faut donc s’en remettre aux préconisations des fabricants.

Les masques chirurgicaux sont donc toujours soumis à une circulaire datant de 1986, qui préconise « la destruction après usage et la non-restérilisation du matériel médico-chirurgical non réutilisable ».

C'est cette seule barrière légale qui empêche aujourd'hui la réutilisation de ces masques. Des chercheurs étaient en train de mettre au point une expérience prouvant la fiabilité des masques chirurgicaux lavés. Le processus a été stoppé par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui a invoqué le décret du 30 août 2010 stipulant que « les dispositifs médicaux à usage unique ne sont pas réutilisés ». Une déception pour Philippe Cinquin, coordinateur scientifique du Centre d’investigation clinique du CHU de Grenoble et l’un des principaux instigateurs du projet, et son équipe.

Ces masques à durée de vie limitée ont, depuis mars dernier, fortement augmenté le nombre de déchets en France. Puisque l'on ne peut pas les réutiliser, ils partent vite à la poubelle - ou pire, sur les trottoirs ou dans les égouts. Les masques sont composés de plusieurs couches de polypropylène, une forme de plastique. Ces déchets constituent donc une nouvelle source de pollution.

Pire encore, ils sont difficilement recyclables. Pour le moment, aucune solution de recyclage à grande échelle n'a été trouvée. En avril 2020, le Haut Conseil de la Santé Publique publiait un avis recommandant « de ne pas entreprendre des démarches de recyclages des masques (…) pendant cette pandémie dans le secteur sanitaire et médico-social, du fait de la diminution de la tension en approvisionnement et de l’absence de procédé complet de stérilisation validé à ce jour »

Roger Genet, directeur de l’Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire (Anses) et ancien directeur général de la recherche et de l’innovation, conclut dans Le Monde : « Aujourd’hui il n’y a pas de barrière technique à la réutilisation des masques chirurgicaux, mais il faut lever les restrictions réglementaires ».

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