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· Publié le 30 novembre 2009 à 17h05
Grégory Lemarchal a marqué la chanson française avec son incroyable voix, son humour et sa gentillesse tant auprès du public français qu'auprès des artistes. Grégory nous a laissé un témoignage poignant de son talent avec 6 titres inédits dont le premier single "je rêve" dont il a signé les paroles.
Dans le but de poursuivre l’action de l’association de Grégory Lemarchal, les parents de Grégory et sa maison de disques ont décidé de sortir l’album "Rêves" qui réunit des inédits ainsi que l’ensemble des titres de sa courte carrière. Une partie des droits et des bénéfices de l’album sera reversée à l’association Gregory Lemarchal afin de continuer le combat contre la mucoviscidose.
INTERVIEW DE PIERRE LEMARCHAL, PÈRE DE GREGORY LEMARCHAL
Le nouvel album de Grégory est sorti le 16 novembre. Pourquoi un nouvel album ?
Pierre Lemarchal : Pour la simple et bonne raison qu'il existe encore deux titres inédits de Grégory, que personne n'a jamais entendus. Il était essentiel pour nous, pour lui, et pour tous les gens qui aiment Grégory en tant que chanteur, de mettre au grand jour ces deux titres. On a profité de ces deux titres pour faire un album best of. Ça a l'air de surprendre pas mal de gens, mais c'est un album comme beaucoup d'artistes ou familles d'artistes disparus en sortent. C'était surtout pour faire connaître les deux titres « Je rêve », et « Tu prends », qui font partie de l'album, avec la voix de Grégory. Ça sera les deux derniers, il ne rechantera plus, hélas. Il était important pour nous de partager ces titres avec le public.
Certains ont l'air de s'étonner que l'on sorte un album posthume...
J'en dis qu'on en dit moins quand les familles de Brel ou de Brassens sortent des albums. Je ne vois pas où est le problème. Sous prétexte qu'on nous taxe de faire du mercantilisme autour de l'album, je trouve ça ridicule. Je tombe de haut. Mais tout le monde subit des critiques. De quel droit je n'aurais pas eu le droit de sortir un album de Grégory ? Il y a des gens qui aiment entendre chanter Grégory. On n'entend pas parler de nous depuis 2 ans. On ne demande pas à être médiatisés toutes les semaines. Arrive une période où on sort un livre, un album. Pourquoi n'en aurait-on pas le droit ? Le fait de nous taxer de mercantilisme est un peu hallucinant, dans le sens où tous les droits de Greg et les droits d'auteur sont reversés à l'association. Que les gens nous croient ou pas, peu importe, je ne suis pas là pour me justifier. Il y a le côté artistique, réentendre la voix de Greg sur deux titres inédits, et le côté associatif. Si les gens achètent l'album, ça va nous permettre de faire entrer de l'argent dans l'association, ce qui va nous aider dans les actions qu'on mène. Je ne vois pas où est le problème. Plein de Best of sortent, et personne ne se pose de questions, alors qu'il n'y a pas forcément de fondation ou d'association derrière. Je ne vais pas m'énerver là-dessus, mais je suis un peu agacé de devoir me justifier au sujet de la sortie de cet album. C'est comme ça. Je sais qu'il y a encore beaucoup de personnes qui aiment Grégory. Ils auront la chance d'avoir l'album, avec deux nouveaux titres mis en place. On en est très fier. Grégory doit être content que l'on diffuse ces chansons qu'il a écrites lui-même. Il était important de les faire connaître, et de ne pas les garder pour nous.
Le clip de "Je rêve" est issu d'un 52 minutes ?
C'est un hasard, un super beau hasard. On a financé un film tourné en Irlande, avec 6 transplanté s pulmonaires suite à une mucoviscidose. On a voulu financer ce film parce qu'il a une belle histoire. C'est tourné en Irlande, avec de superbes images. C'est une renaissance pour eux. Pour tous greffés, c'est une seconde vie qui s'offre à eux. On a voulu financer ce film, l'idée étant de laisser ces jeunes transplantés ensemble. Il n'y a pas de médecins, d'infirmiers, de bloc opératoire. Ce sont simplement 6 transplantés pulmonaires suite à une muco qui se parlent. Tout a été tourné d'un bloc. Les messages sont vraiment magnifiques. Sortir cet album avec la chanson « Je rêve » était cohérent, au vu des paroles de la chanson, qui dit que chacun doit réaliser son rêve. C'est Grégory qui a écrit les paroles. Il rêvait d'un monde meilleur.
On voit au début de ce clip, les transplantés avec leur nom et leur âge.
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C'est une sorte de documentaire sous forme d'un clip, c'est original. On voit l'histoire de ces jeunes qui se retrouvent, qui vivent leur renaissance chacun à leur manière, mais ensemble. J'espère que ces 52 minutes verront le jour sur les chaînes nationales. C'est un superbe message d'espoir au sujet du don d'organe et qui remercie aussi les donneurs car on ne parle pas beaucoup d'eux. On veut qu'il y en ait de plus en plus, mais quand ils donnent, il faut leur dire merci. Ils revivent à travers quelqu'un d'autre. Parler du don d'organe, c'est parler de la vie et non de la mort, contrairement à ce que les gens peuvent croire, et à ce qui alimente un peu les tabous. En plus, on est grande cause nationale cette année, en 2009, tout concorde avec la mise en place de ce clip autour de la chanson.
A la mort de Grégory, on avait observé une hausse du don d'organe. Où en est-on aujourd'hui ?
Je ne vais rien vous cacher. Quand Grégory a disparu, pendant un mois, il y a eu une demande de cartes de donneur hallucinante. En un mois, ils ont fait ce qu'ils faisaient d'habitude en un an. On sait aussi qu'il y a eu plus de transplantations à cette époque là. Je pense donc que Grégory a sauvé des vies, quelque part. C'est une belle histoire. Mais comme dans toute communication, si on ne l'alimente pas, l'opinion redescend. On était à 32 % de refus, à l'époque. On est descendu à 28 % en un mois, ce qui est énorme. On est revenu aujourd'hui à 32 %. Je ne vous cache pas que ça veut dire que dès qu'on lâche prise, l'opinion redescend. Dans le domaine du don d'organe, on est en queue de peloton européen, au vu du nombre de refus. Ça veut dire que l'éduction nationale ne suit pas. Je pense que c'est au niveau des jeunes qu'il faut faire de gros efforts. Ça veut dire qu'on ne fait pas assez de communication, qu'on ne passe pas suffisamment à la télévision. Il ne faut pas se leurrer, le grand public, on le récupère à la télévision. C'est important.
Par cet album, vous souhaitez utiliser ce que faisait Grégory pour relancer cette sensibilisation ?
Tant qu'on a la possibilité d'en parler, on en parlera, mais il faut qu'on nous ouvre des portes. Il faut qu'on ouvre les portes nous aussi, avec des sujets bien posés, en donnant à manger aux chefs de télévision. Il faut leur dire ce qu'on peut faire, que ça va être percutant. Les associations doivent aussi travailler. On a créé un collectif qui s'appelle « Don de vie », avec l'association Laurette Fugain, ESF, plein de monde. Chacun de notre côté et ensemble, on essaie de communiquer. On est grande cause nationale mais on rame quand même, on s'attendait à un peu plus d'aide de l'Etat, sur le message que l'on veut faire passer. Malheureusement, la période est difficile, sur un plan économique. On comprend. S'il y a un endroit où on peut passer les véritables messages, c'est à l'école, dans les lycées, dans les universités. Moi j'ai plus de 50 ans, je fais passer des messages par l'association. Mais dans les familles lambda, ce ne sont pas les parents qui vont engager une conversation avec un gamin de 12 ans sur le don d'organe. J'imagine bien que c'est très difficile. Par contre, si l'information sérieuse est faite au niveau de l'école, adaptée à la classe et à l'âge des enfants, quand le gamin rentre à la maison, il racontera sa journée à ses parents. S'ils disent : « Aujourd'hui, on a parlé du don d'organe, il parait qu'on peut sauver des vies, certains donnent leur cœur quand ils sont morts, comment ça se passe ? », la démarche est différente, c'est l'enfant qui pose les questions. J'ose espérer que les parents sont assez lucides pour continuer la conversation. Qu'on soit pour ou contre le don d'organe, ce n'est pas un souci. L'essentiel, c'est d'être informé. Si les gens étaient
bien informés, on aurait plus de possibilité d'avoir des greffons. Actuellement, on a des jeunes qui meurent faute de greffons de cœur, poumon, foie, sang, plaquettes...
Le disque « Rêves » est sorti le 16 novembre. Il y a aussi un livre, écrit par votre épouse, Laurence. Un témoignage fort dans lequel elle raconte ce que vous avez vécu, cette épreuve colossale. Dans ce livre, votre femme dit qu'elle a prié pour que quelqu'un décède pour sauver son fils...
Oui, elle n'a pas peur d'en parler. Elle s'ouvre complètement dans ce livre. Quand Grégory était dans le coma, parce que ça devenait intenable du point de vue respiratoire, on en est arrivés à prier pour qu'il arrive une catastrophe. C'est fort de dire ça, ça paraît fou, mais c'est ce qui se passe. Je mets au défi n'importe quel parent de ne pas penser comme nous à ce moment-là. Prier pour qu'il y ait un accident, vous imaginez comment ça peut être pris ! Mais c'est la vérité, autant la dire. Si on n'avait pas ce souci de non information autour du don d'organe, on n'aurait peut-être pas eu besoin de prier. On aurait pu avoir les greffons, on ne se serait même pas posé la question.
Et Grégory aurait pu continuer à chanter ?
Le seul qui ne priait pas, c'était Grégory. Il avait dit deux ou trois jours avant : « Comment veux-tu maman que je prie pour qu'il se passe quelque chose pour que j'ai des poumons ? Je ne peux pas, je n'ai pas envie de le faire ». Il disait : « Il se passera ce qu'il se passera, je suis persuadé qu'ils vont arriver ». Voilà comment il est parti. On a vécu les derniers moments autrement, bien sûr. Elle ne cache rien dans ce bouquin. Elle a mis un moment, pour se décider à l'écrire. C'est en allant dans les hôpitaux qu'elle s'est décidée, parce qu'on lui posait des questions : « Comment faisait Greg ? », « Comment il pouvait chanter ? », « Comment il se soignait ? ».
Site officiel (Universal Music)
Association Grégory Lemarchal