Les Sorcières de Salem au Théâtre de la Ville : notre critique convaincue

Par · Publié le 28 mars 2019 à 18h
Au Théâtre de la Ville jusqu’au 19 avril 2019, le directeur Emmanuel Demarcy-Mota présente sa mise en scène des Sorcières de Salem, pièce d’Arthur Miller qui, en évoquant les jugements pour sorcellerie du XVIIème siècle, traitent subtilement des chasses aux communistes dans l'Amérique du XXème siècle.

Après Rhinocéros de Ionesco et L’Etat de siège d’Albert Camus, Emmanuel Demarcy-Mota monte avec la troupe du Théâtre de la Ville une nouvelle pièce de l’aveuglement et de l’intolérance, de l’emportement collectif contre la raison.  

En 1953, le dramaturge et écrivain américain Arthur Miller présente à Broadway sa toute nouvelle pièce, Les Sorcières de Salem. En apparence, c'est une pièce historique racontant les procès en sorcellerie qui eurent lieu en 1692 à Salem, petit village à priori sans histoire du Massachusetts. Mais à bien y regarder, il s'agit aussi d'une critique acerbe d'une autre chasse aux sorcières, contemporaine d'Arthur Miller cette fois-ci, la traque aux communistes qui eut lieu aux Etats-Unis suite à la seconde guerre mondiale. 

Sur le plateau pourtant, pas un mot de ce qui se trame à cette époque. On y raconte une nuit de 1692, alors que les guerres indiennes créent encore d'horribles massacres, cinq jeunes femmes se retrouvent dans la forêt. Parmi elles, Tituba, esclave arrivée de la Barbade à qui une femme a demander d'invoquer les âmes de ses enfants morts (ndlr : à lire sur le sujet, Moi, Tituba sorcière... de Maryse Condé). Au même moment, l’une d’entre elles, Abigail, avoue son amour pour un homme marié, John Proctor, son ancien maître et double d'Arthur Miller. Elle l'aime, sait que lui l'aime aussi et ne souhaite rien de moins que la mort de sa femme pour qu'ils puissent vivre leur amour en liberté. Dans cette nuit noire, Abigail boit du sang de cochon pour lui jeter un sort, danse avec la tourmente mais elle et les autres jeunes femmes se font surprendre par l’oncle de Betty, le Révérend Parris. La jeune femme, terrifiée, tombe inconsciente et éveille alors les soupçons sur leurs agissements... 

Pour ne pas révéler la vérité, les jeunes femmes se mettent d’accord sur une version simplifiée : elles dansaient dans la forêt, elles s'amusaient, voilà tout… Pourtant, le village commence à parler de sorcellerie. On accuse Tituba, Abigail, d’user de pouvoirs. Alors, voici que les jeunes femmes usent de leur intelligence pour retourner les rumeurs à leur faveur… Elles ont vu, senti le Diable, et elles savent qui sont, parmi les villageois, ses disciples… Les femmes du village, une à une, sont accusées de sorcellerie. Bientôt, Abigail dénonce Elisabeth Proktor, son ancienne maîtresse, femme de l'homme qu'elle aime encore.

Dans une lumière blanche et fantomatique, la troupe du Théâtre de la Ville nous emporte au cœur d'un village en proie à une aliénation morbide. Le village et son tribunal soudainement constitué sont aveuglés par une foi sanguinolente, par la croyance qu’ils accordent sans sourciller à ces jeunes femmes qui miment la douleur, à une Abigail terrifiante incarnée avec agilité et beaucoup de froideur par Elodie Bouchez. John et Elisabeth Proctor, dans cette affaire, semblent être les seuls survivants à l'esprit sain. Une belle et blanche réussite.

Dans le texte, on est néanmoins loin du discours actuel (et nécessaire) en terme de réhabilitation de l'histoire des sorcières (chez Mona Chollet, pour ne citer que son ouvrage). Ici, la sorcière est vicieuse, perfide, perverse. Chez Arthur Miller, c'est encore et toujours la femme, démoniaque, qui déclenche le courroux. Une image dépassée, pour sûr, mais qui n'enlève rien à la qualité évidente du texte et de la mise en scène. 

Infos pratiques :

Les Sorcières de Salem, au Théâtre de la Ville, jusqu'au 19 avril 2019.

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h.

Tarifs : de 10 à 30€

Réservations : 01 42 74 22 77

Informations pratiques

Dates et Horaires
Du 28 mars 2019 au 19 avril 2019

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    Lieu

    1 Avenue Gabriel
    75008 Paris 8

    Infos d’accessibilité

    Site officiel
    www.theatredelaville-paris.com

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