Musiques électroniques : le combat de longue haleine d’un secteur en péril

Par Caroline de Sortiraparis · Publié le 15 septembre 2020 à 14h57
Si de nombreux Français ont pu reprendre le travail depuis le déconfinement, d’autres sont encore à l’arrêt en cette rentrée. C’est le cas des acteurs de la filière des musiques électroniques. Privés de clubs et de festivals, les professionnels du secteur comptent bien faire entendre leur voix. Après avoir été reçus fin août au Cabinet de Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, les acteurs des musiques électroniques espèrent enfin être reconnus en tant que tel et développer des projets innovants comme les « Zones d’Urgence Temporaire ». On fait le point sur la situation.

Pour la seconde fois en 22 ans, la Techno Parade ne fera pas danser les amateurs de musique électro sur le bitume parisien. D’ordinaire, ils sont près de 400 000 à se presser dans la rue pour vibrer au son de la Techno, Bass Music, Trance ou encore Hardcore. Une fois encore, les artistes des musiques électroniques ne pourront pas s’exprimer derrière leurs platines, les laissant désespérément débranchées depuis la mi-mars, en raison de la crise du Coronavirus.

Le 31 juillet dernier, 170 artistes, djs et acteurs de la French Touch ont d'ailleurs alerté le gouvernement sur leur situation catastrophique en raison de la fermeture prolongée des clubs et discothèques. Si, pour l’heure, aucune perspective de réouverture n’est envisagée pour ces établissements, les professionnels du secteur des musiques électroniques s’activent en coulisse et multiplient les rencontres.

Le secteur des musiques électroniques en mal de reconnaissance

Fin août, un comité du nom de "Sphère électronique", piloté par Technopol, s’est rendu au ministère de la Culture. Objectif ? Rappeler au gouvernement l’importance des musiques électroniques dans le milieu culturel ainsi que ses spécificités.

Ainsi, le marché des musiques électroniques représente près d’un demi-milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel, soit 17% du marché des musiques actuelles. Malheureusement, l’État a tendance à l’oublier et à confondre la filière des musiques électroniques avec celui des musiques actuelles et celui du secteur des boîtes de nuit et discothèques. « Or, la fête a un intérêt sociétal majeur. Le monde des musiques électroniques, ce n’est pas uniquement danser et faire la fête. Ici, on parle bien de culture et de musique. Et la place des musiques électroniques est bien au ministère de la Culture, contrairement à celui des boîtes et discothèques qui sont reliées au ministère de l’Économie et des Finances à Bercy » nous confie Kevin Ringeval de Technopol. « Du coup, on n’existe jamais véritablement, poursuit-il, alors que les artistes français qui voyagent le plus à travers le monde sont des artistes de musique électro comme David Guetta, Laurent Garnier, Jean-Michel Jarre… On attend de la reconnaissance et on aimerait être traité à part en tant que musiques électroniques ».

Pour faire entendre leur voix auprès du plus grand nombre, Technopol tente de fédérer l’ensemble des structures françaises qui œuvrent dans le milieu des musiques électroniques afin de construire un énorme écosystème qui permettra « d’être beaucoup plus fort et de mutualiser des idées, des actions, du matériel… ».

Les acteurs de la filière des musiques électroniques reçus au ministère de la Culture

Mais les choses évoluent dans le bon sens depuis le début de la crise. « Nous avons eu une oreille très attentive du côté du ministère de la Culture et nous devons également être reçus prochainement par le Centre National de la Musique », indique Kevin.

Ainsi, à l’issue de cette réunion au Cabinet de Roselyne Bachelot, les professionnels du secteur ont obtenu plusieurs garanties. Concernant le soutien aux artistes, la Direction Générale de la Création Artistique prévoit de mettre place une enveloppe de 7 millions d’euros pour les artistes qui ne bénéficient pas du statut d’intermittent et qui n’ont jamais touché l’aide de 1500 euros proposée aux micro-entreprises.

Le ministère de la Culture s’est également engagé à ce que la filière des musiques électroniques soit intégrée à la table des négociations au sein des pôles du Centre National de la Musique.

En revanche, pour l’heure, les solutions pour garantir une reprise de l’activité événementielle ne sont pas simples. Mais des groupes de travail seront mis en place par le ministère de la Culture afin de discuter des fameux protocoles sanitaires et des mesures à adopter ces prochains mois pour la réouverture des lieux.

Le projet des "Zones d'Urgence Temporaire" 

Si certains lieux en plein air ont pu se dérouler cet été, à l’instar de Border City aux Docks de Paris, permettant à certains artistes djs de jouer (Manu Le Malin, AZF, Traumer…), que se passera-t-il cet hiver ? Kevin a sa petite idée sur la question et évoque un projet innovant qui pourrait faire toute la différence et ainsi aider la filière à entrevoir le bout du tunnel.

Le concept ? La mise en place de « Zones d'Urgence Temporaire » de la fête pendant toute la durée de l’hiver. « ll y aurait des espaces dédiés avec trois ou quatre énormes chapiteaux. Ils seraient ouverts sur le côté pour permettre la ventilation de l’air et reprendraient le protocole sanitaire de Border City (sas de désinfection à l’entrée, masque obligatoire, gel hydroalcoolique… ). Ils permettraient ainsi que les programmations des clubs fermés puissent avoir lieu hors les murs sous ces chapiteaux, explique Kevin. On pourrait très bien avoir ces zones sur Paris et en Île-de-France. On va revoir la Ville de Paris là-dessus justement très bientôt. Ça permettrait de faire travailler un minimum les clubs, faire jouer les artistes locaux puis offrir la culture aux gens ».

Pour l’heure, certains djs pourront à nouveau retrouver leurs platines lors du Dream XXS, proposé en remplacement du Dream Nation Festival.

La suite ? Les artistes professionnels du secteur des musiques électroniques se retrouveront à la Gaîté Lyrique les 24 et 25 septembre 2020 à l’occasion de la Paris Electronic Week. « Il y aura un peu moins de monde que d’habitude, avec une jauge de 150 ou 200 personnes. Il n’y aura pas de soirées, mais des talks et tables rondes organisés la journée. Il s’agira d’une Paris Electronic Week tournée vers le futur avec deux jours de réflexion à imaginer le monde de demain et à fédérer les acteurs français de musiques électroniques » nous confie Kevin.

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