La jeunesse dorée

Par La Rédac · Publié le 1er mai 2008 à 23h53
On connaissait les bobos, les hypeurs, les nouveaux riches… Et bien voici les Nappy (Auteuil-Neuilly-Passy-Péreire), la nouvelle jeunesse dorée.
Autrefois on dépeignait souvent cette catégorie de personnes comme étant celle d’une certaine réussite sociale. Une caste où les « affiliés » fréquentaient les meilleures écoles privées, s’inscrivaient dans les rallyes et où les adolescents aisés se rencontraient dans des clubs essentiellement privés et communautaires.

Il ne fallait absolument pas se mélanger aux autres sous peine de « contamination sociale ».

C’était ça la jeunesse dorée, la génération des enfants des soixante-huitards, des « quadras » actuels. Une époque bien révolue… Aujourd’hui, la nouvelle génération tente de conserver cette pseudo supériorité qui la démarquait des autres et elle y arrive… mais juste devant le physionomiste des Planches.

Fréquentant toujours les mêmes écoles que leurs aînés, l’hégémonie intellectuelle n’existe plus. Alors pour faire face, ils s’enferment en communauté, dans des endroits qui les rassurent. Ils clament ouvertement leur mépris pour le reste du monde, à savoir les autres arrondissements de Paris, la capitale étant évidemment considérée comme le centre de l’univers.
Ce sont les nouveaux révoltés et ils affichent leur différence en image dans des DVD (Nappy 2003, réalisation : Danakil www.mynappy.net ou dans les reportages spécialisés (« Sept à huit » en juin 2006, et « Ca se discute » en mai 2007), disponibles sur les sites de partage de vidéos.

Ils veulent grandir vite, même très vite, ce qui les pousse parfois à sauter quelques étapes. Ils ont tout et en rajoutent en revendiquant la « sales gosses attitude ».

Les règles sont simples : s’afficher rebelle en exhibant fièrement la panoplie du « Che » made in Gucci. On peut se promener en jogging (pourquoi pas ?) mais un jog « brandé », sinon on n’est plus Nappy.On regarde le « Peuple » avec condescendance, tout en dégustant sa coupe de champ’ attablé au café Flandrin. On exige de vivre dans une société faite de logos et de slogans publicitaires et surtout, on se considère comme un pion essentiel au bon fonctionnement de notre chère planète (donc de Paris, si vous avez suivi mon raisonnement dès le début).

Les nostalgiques (les soixante-huitards par exemple) regrettent souvent ce passage à l‘âge adulte. Vous savez ce temps où votre personnalité évolue au gré des connaissances acquises. Et bien le Nappy est déjà blasé sans rien connaître ou presque. Ces enfants nés au sommet de la hiérarchie sociale ne s’obstinent plus à aller encore plus haut car ils y sont déjà.

Ils ont sans doute reçu une éducation irréprochable mais leur sens de la supériorité semble les avoir écartés de cette même éducation. Le « Descartes du XVIème » dirait peut-être aujourd’hui « je snobe donc je suis ». Cette génération semble désabusée et condamnée au paraître. Ce ne sont plus les « bourges », beaucoup trop vulgaires, ce sont maintenant les Nappy.

Ils revendiquent le fait d’appartenir à un milieu décrié depuis 68, et même depuis 1789 où il n’était pas bon de faire partie des privilégiés… Aujourd’hui, ils en sont fiers et le montrent. Etre Nappy est une consécration.

Quand on fait l’inventaire des endroits privilégiés par ce petit monde, on s’aperçoit qu’ils ont évolué et se sont déplacés selon les époques. Il y a eu d’abord Saint-Germain des Prés et ses cafés voûtés, puis le Drugstore qui a transformé le quartier des Champs Elysées, « squatté » par la génération précédente. Les clubs s’y sont ouverts en masse pour répondre à la demande de plus en plus forte. Enfin, l’emblème de la jeunesse dorée des années 90 se situait rue du Colisée, aux Planches. Il n’était pas rare d’apercevoir des parents déposer leurs enfants les vendredis et samedis soirs devant l’entrée de cette boîte de nuit.

Aujourd’hui les codes ont changé et les Nappy investissent des lieux qui ne cessent d’évoluer. Pour le Dress code, c’est toujours l’esprit rebelle qui prime. En revanche, de là à s’habiller en treillis avec béret étoilé, il y a forcement un pas… Non c’est le style décontracté et faussement négligé qui triomphe. Une manière de dire que les Nappy n’ont pas besoin de s’habiller pour sortir, preuve de leur pseudo suprématie sur le commun des mortels. Pour eux, Dieu est visible et palpable. Il possède bien entendu son propre logo et sa marque. Ils vénèrent le culte du superficiel. Il y a les adeptes de Dior, de Chloé, de Prada de Zadig & Voltaire et quelques autres. Le lieu de pèlerinage se situe avenue Montaigne et on s’y rend en taxi, en sortant des cours. On ne rampe évidemment plus comme à Saint Jacques de Compostelle, on demande juste au chauffeur de nous attendre sagement…

« In Dior We Trust »

L’argent des parents facilite l’apprentissage rapide des "conneries d’ados" ou de jeunes adultes. Ils revendiquent le fait d’avoir tout essayé avant même d’avoir eu 18 ans. D’autres le cachent, eux en sont fiers ! Cet argent leur garantit aussi un droit d’accès à tous les lieux les plus fermés de Paris. Le « Non » est prohibé et ils se forcent à l’oublier.

Des jeunes qui s’abîment dès le début de l’adolescence en essayant de faire comme les autres. Et cela, le plus rapidement possible, en négligeant leur personnalité. Cette génération devient malheureusement vite la poule aux œufs d’or pour des personnes avides qui se sont aperçues que ces jeunes, obnubilés par l‘apparence, achetaient en masse des produits élitistes, et donc très chers.

Pour faire plaisir à mon ancienne prof de philo, je terminerai volontiers par cette citation « condensée » de Georges Sand : « La beauté de l'apparence est seulement un charme de l'instant, l'apparence du corps n'est pas toujours le reflet de l'âme ».

On est forcément un peu « différent » à 20 ans, on est sûrement un peu con après… On peut tous se prendre la tête avec les textes de Georges Brassens mais ils respirent le bon sens.
Finalement, il y aura toujours des conflits générationnels. Alors, peut être que demain, les Nappy d’aujourd’hui se moqueront d’eux mêmes… Qui sait?


« Méditez l'impartial message d'un type qui balance entre deux âges ».
Georges Brassens



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