Affaire Grégory : l'enquête est relancée, 36 ans après les faits

Par Cécile de Sortiraparis · Publié le 16 décembre 2020 à 12h14
Trente-six ans après la mort de Grégory Villemin, âgé de quatre ans, la justice relance l'enquête. Selon le Parisien, des témoins ont été entendus, et des expertises stylométriques sont en cours.

C'était le 16 octobre 1984. Grégory Villemin, âgé de quatre ans, était retrouvé noyé dans la Vologne, dans les Vosges. Un drame qui a secoué toute la France. Un meurtre dont on ne connaît toujours pas le ou les coupables. Pourtant, en décembre 2020, la justice a officiellement relancé l'enquête. Selon des informations du Parisien, Dominique Brault, le nouveau magistrat en charge du dossier et président de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Dijon (Côte-d'Or), a lancé au début du mois de décembre une série d'auditions de témoins.

Ces personnes étaient présentes dans les Vosges au moment des faits en 1984, dans l'entourage familial ou dans le voisinage de l'enfant. « Les investigations ont repris et avancent. Des actes d'enquête ont été menés », a confirmé le nouveau procureur général de Dijon, Thierry Pocquet du Haut-Jussé, sans donner plus de détails. Le procureur est chargé de représenter l'accusation. 

Peut-on espérer un résultat fiable et un dénouement de cette histoire, 36 ans après les faits, et après tant d'années d'enquêtes et d'errements judiciaires ? Selon le Parisien, les résultats d'une expertise stylométrique permettraient d'incriminer un suspect.

Un élément capital pour l'avancée de l'enquête est arrivé et devrait être versé au dossier dans les prochaines semaines : le résultat d'une expertise avant-gardiste commandée par la précédente magistrate instructrice, il y a trois ans de cela. Cette expertise « en stylométrie », confiée à une entreprise suisse spécialisée dans l'analyse de textes et la détection de plagiats, pourrait incriminer un suspect.

L'expertise a été commandée pour démasquer le ou les corbeaux, auteurs de courriers menaçant les parents de Grégory Villemin entre 1983 et 1984. Ce ou ces corbeaux avaient également revendiqué l'assassinat du petit Grégory. Ces lettres sont comparées à des textes rédigés par les différents suspects de cette affaire : proches, membres de la famille...

Le Parisien écrit que « selon des sources concordantes, les résultats des comparaisons ont permis d'attribuer des courriers du mystérieux corbeau à une personne soumise à l'expertise. Concrètement, le logiciel de l'entreprise anti-plagiat, qui fait usage d'algorithmes spécialement élaborés, a analysé les différents textes en faisant des rapprochements dans le style, la tournure des phrases, la syntaxe, la ponctuation et a permis d'authentifier un auteur commun entre des lettres de menaces et des courriers témoins. »

Une avancée significative pour l'enquête. Pour rappel, en 2017, d'autres expertises en écriture, réalisées selon une technique différente, incriminaient Jacqueline Jacob, la grand-tante de Grégory. Celle qui serait l'autrice d'une partie des courriers du corbeau n'a pas cessé de nier sa participation au meurtre, tout comme son époux.

Une expertise contestée

Sans connaître les résultats de l'analyse stylométrique, les avocats de Marcel et Jacqueline Jacob contestent cette expertise. Maître Alexandre Bouthier, avocat de Jacqueline Jacob, questionne le timing de cette analyse : « Cette expertise a coûté très cher pour passer quelques feuilles au scanner. Et on voudrait nous faire croire que les Suisses, avec leur régularité et leur ponctualité, ne l'avaient pas déjà remis en temps et en heure, c'est-à-dire il y a trois ans ! Affirmer que c'est un élément nouveau, c'est se moquer du monde. »

Même refrain du côté de Me Stéphane Giuranna, qui défend lui Marcel Jacob. L'avocat dénigre cette méthodologie peu fiable selon lui : « C'est de la fumisterie. On se fout de nous et, manifestement, la justice n'apprend pas de ses erreurs. En comparant les écrits de gens qui habitent dans le même secteur géographique restreint, qui ont le même âge, qui ont fréquenté les mêmes établissements scolaires et qui partagent la même origine sociale, on va évidemment tomber sur des gens qui ont, peu ou prou, le même style et la même syntaxe que le corbeau. Tout ceci commence à devenir ridicule. »

Face à eux, Me Thierry Moser, l'avocat des parents de Grégory, affirme avoir confiance dans la justice. « Les investigations ont repris dans cette affaire, et je reste confiant quant aux résultats concrets et effectifs des investigations, assure Me Thierry Moser. Mais il faut encore s'armer de patience. »

Les réactions sont plus sinistres du côté de Me Gérard Welzer, l'avocat historique de Bernard Laroche. Le cousin du père de Grégory a été assassiné en 1985 par celui-ci, alors que Bernard Laroche était accusé du meurtre de Grégory. Me Gérard Welzer veut éviter tout emballement lié à ces nouvelles découvertes : « seules des preuves scientifiques incontestables pourraient être utilisées pour accuser je ne sais quelle personne. » Il ajoute : « dans ce dossier, Grégory Villemin est la première victime. Bernard Laroche, innocenté puis assassiné, la deuxième. Le juge Lambert, qui s'est suicidé en 2017, la troisième. Je souhaite que ces nouvelles investigations n'entraînent pas de nouvelles victimes. »

Des accusations infondées ?

Selon plusieurs sources du Parisien, « il y aura de nouvelles mises en examen, c'est certain », assure une source qui a travaillé sur l'enquête. « Le juge Brault aspire à travailler dans la discrétion, mais il est très accrocheur », ajoute une autre source proche du dossier.

Les derniers suspects mis en examen en 2017 étaient Murielle Bolle et Marcel et Jacqueline Jacob (grand-oncle et grand-tante de Grégory). Ils étaient accusés d'avoir commis un « crime collectif familial », car ils auraient été jaloux de la réussite sociale des parents de Grégory.

Cependant, les époux Jacob et Murielle Bolle ne font pas partie des personnes entendues par le nouveau juge en charge de l'instruction. Dominique Brault n'a pas organisé d'auditions de suspects, mais il souhaite entendre des témoins, notamment des enquêteurs et des journalistes ayant travaillé sur l’affaire.

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