Cannes 2022 : Nos Frangins de Rachid Bouchareb, notre critique

Par Manon de Sortiraparis · Publié le 31 mai 2022 à 17h27
Présenté en avant-première au festival de Cannes 2022, Nos Frangins de Rachid Bouchareb revient sur l'affaire Malik Oussekine. Découvrez notre critique !

L'un s'appelait Malik Oussekine et rentrait tranquillement d'un concert de jazz dans un bar parisien. L'autre s'appelait Abdel Benyahia, lui aussi français d'origine algérienne. Tous deux ont été tués dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, le premier sous les coups de pieds et de bâtons des voltigeurs de Charles Pasqua dans un hall d'immeuble de la rue Monsieur-le-Prince, dans un contexte de manifestations tendues contre le projet de réforme Devaquet des universités, alors même qu'il ne participait aucunement à l'agitation des rues ; le second, par un inspecteur ivre, d'une balle dans le corps.  

Après Indigènes, sur les soldats recrutés en Afrique et grands ignorés de l'armée française, puis Hors-la-loi, sur fond de guerre d'Algérie, Rachid Bouchareb dénonce une nouvelle fois l'histoire des oubliés de France et cette mémoire nationale qui flanche, et s'interroge une fois encore sur l'identité et l'intégration. Dans Nos Frangins, présenté en avant-première au festival de Cannes 2022, le réalisateur revient sur ces deux terribles affaires de l'hiver 86 qui ont ébranlé la France, des hautes sphères chiraquiennes jusqu'au peuple français, descendu dans la rue pour exiger la vérité. 

Avec l'utilisation répétée d'images d'archives télévisées, le réalisateur rappelle le contexte explosif de cette révolte estudiantine. Mais la violence est bel et bien ailleurs, dans la dissimulation des ministères de l'Intérieur et de la Sécurité, prêts à tous les mensonges pour étouffer cette bavure policière, dans les authentiques interviews fallacieuses des hommes politiques de l'époque, dans le racisme ordinaire, dans l'impunité des forces de l'ordre qui se renvoient la balle entre les services, et surtout dans l'incompréhension des familles à qui l'on ne dit rien. 

Car contrairement à la série Oussekine d'Antoine Chevrollier, disponible depuis peu sur la plateforme Disney+, qui retrace minutieusement l'affaire, Rachid Bouchareb choisit surtout de raconter ces deux tragédies par le petit bout de la lorgnette, celui de la famille et de ceux qui restent, avec leur deuil et leurs questions, portés par des acteurs d'une étonnante sobriété - en particulier Samir Guesmi. Dans ce combat pour la vérité, le frère et la soeur de Malik, joués par Reda Kateb et Lyna Khoudri, sont, avec dignité, les témoins désabusés d'un drame qui, plus qu'un fait divers récupéré à des fins politiques, est avant tout une douleur qui leur appartient désormais. 

"Et puis ces déchirures à jamais dans ta peau, comme autant de blessures et de coups de couteau. Cicatrices profondes pour Malik et Abdel." chante Renaud dans le générique de fin de Nos Frangins. Un film pour ne jamais les oublier, alors que la lutte contre le racisme et les violences sont plus que jamais d'actualité en France. 

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