Les menus végétariens se popularisent dans les cantines

Par Cécile de Sortiraparis · Publié le 17 avril 2021 à 14h57
Depuis novembre 2019, tous les établissements scolaires sont tenus de proposer au moins un menu végétarien aux élèves par semaine. Si certains suivent avec zèle la loi, d'autres collèges et lycées rechignent à élargir leur offre culinaire.

La loi EGalim impose, depuis novembre 2019, un menu végétarien dans chaque cantine d'établissements scolaires publics ou privés, au moins une fois par semaine. Près d'un an après sa mise en application, l'association Greenpeace publie une étude pour mesurer les effets de la loi. Résultat : 71% des élèves de primaire se voient proposer un menu végétarien hebdomadaire, conformément à la loi. Néanmoins, ces bons résultats se gâtent lorsque l'on y regarde de plus près.

Greenpeace a mené son enquête entre janvier et mars 2020, recueillant près de 8 000 contributions couvrant les menus de 2 820 communes. Cette étude a été complétée avec des questionnaires envoyés à certaines villes. On découvre alors que si les établissements scolaires du primaire respectent à peu près la loi EGalim, il n'en est pas de même pour ceux du secondaire. Collèges et lycées ont plus de mal à se soumettre à la loi : un peu moins des deux tiers des 415 collèges étudiés respecteraient la loi, et à peine 52 % des 493 lycées analysés. 

L'association veut cependant remettre ces chiffres en perspective : en 2018, seuls 10 % des écoliers se voyaient proposer un menu sans viande ou poisson hebdomadaire, ils sont désormais 71 % dans ce cas. Quelques établissements font même figure de bons élèves : certains proposent plus d'un repas végétarien par semaine, d'autres avaient pris cette initiative plusieurs années avant le passage de la loi EGalim.

L'Île-de-France mange végétarien

A Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), par exemple, le repas hebdomadaire sans viande ou poisson existe depuis 2017 dans les écoles maternelles et primaires. Un menu qui a rapidement eu du succès, prenant à contre-pied les craintes de l'équipe municipale.

« On avait peur des retours négatifs sur le fait de priver les enfants défavorisés d’un repas avec de la viande, mais c’est tout le contraire qui s’est produit. La demande des familles pour le végétarien était forte, que ce soit pour des raisons religieuses, de santé ou par engagement écologique », affirme Leyla Temel, adjointe au maire de Saint-Denis, chargée de la restauration scolaire. Le succès est tel que la ville a décidé de passer à deux menus végétariens par semaine, à compter d’octobre. « Pour nous, ça fait partie de l’éducation de savoir manger sans viande et surtout bien manger », ajoute Leyla Temel.

L'Île-de-France respecte, dans l'ensemble, assez bien la loi EGalim. Sur la carte publiée par Greenpeace, on constate que la grande majorité des villes proposent un menu végétarien hebdomadaire. Certains arrondissements de Paris vont même jusqu'à en proposer plusieurs par semaine, comme le 2e, le 10e et le 19e arrondissement. Seules quelques villes suivent ce modèle, dont Lille et Grenoble.

Un accompagnement insuffisant

Malheureusement, on retrouve également des cancres : Issy-les-Moulineaux, Clamart et Aubervilliers ne proposent un repas végétarien que de temps en temps. Les derniers de la classe sont Saint-Brice-sous-Forêt, Auvers-sur-Oise et Montfermeil, où les enfants n'ont que de très rares occasions de manger végétarien à la cantine. 

Pour Greenpeace, ces disparités sont principalement liées à la taille des communes : si 83 % des grandes villes (comptant plus de 1 000 élèves du primaire) ont mis en place un menu végétarien hebdomadaire, ce n’est le cas que pour 53 % des communes comptant moins de 100 écoliers, notamment par manque de moyens et de formation.

C'est là un regret partagé autant par les communes que par les associations. « Le problème, c’est que la loi n’a pas du tout été accompagnée dans son application », regrette Elyne Etienne, membre de l’Association végétarienne de France (AVF). De nombreux cuisiniers ont dû apprendre seuls à remplacer les protéines animales de la viande et du poisson par d’autres éléments. « Outre l’aspect purement technique de l’équilibre alimentaire, il faut satisfaire le palais des enfants. La formation des chefs est un gage de réussite évident », affirme Stéphanie Anfray, administratrice nationale de la Fédération des conseils de parents d’élèves.

Pour rétablir l'équilibre, le gouvernement a publié en juillet son guide de recommandations autour du menu végétarien. Ce guide est issu d’un groupe de travail du conseil national de la restauration collective, qui préconise, entre autres, de limiter les produits ultra-transformés. Une publication que les associations jugent tardive, plusieurs mois après l’entrée en vigueur de la loi.

Le bœuf fait de la résistance

Imposer un menu végétarien à la cantine, ça n'est toujours pas au goût de tous. Bruno Faure, président du conseil départemental du Cantal, avait demandé aux chefs cuisiniers et principaux des collèges de sa circonscription de ne pas instaurer de menu végétarien hebdomadaire obligatoire dès la mi-novembre 2019. « Je ne veux pas imposer ce menu à des élèves qui, peut-être, ne mangent pas de viande à la maison. Cette mesure est acceptable quand on peut laisser le choix aux enfants de manger ce qu’ils veulent. Mais nos petits établissements ruraux n’ont pas les capacités de proposer des menus alternatifs », explique aujourd’hui Bruno Faure au Monde.

Laurent Fabrègues, conseiller technique en charge de la restauration au conseil départemental du Cantal, nuance toutefois la réalité. « Il y a des établissements qui font du végétarien de temps en temps, mais ils préfèrent parler de "menu vert», explique-t-il. « Le choix de notre président est politique. Ce qui crispe, c’est vraiment le terme même de végétarien, peu apprécié dans un territoire rural et agricole », ajoute Laurent Fabrègues.

« Le terme est clivant car c’est un mot identitaire, reconnaît Elyne Etienne, de l’AVF. On est végétarien ou on ne l’est pas. Seulement, cette mesure ne vise pas à faire plaisir à ceux qui le sont, mais à normaliser les repas sans viande, c’est différent. »

Aux vues des résultats de son enquête, Greenpeace se réjouit aussi de la diversité des menus proposés : plus de la moitié des menus végétariens contient des protéines végétales, et seulement un menu sur cinq est composé d’omelettes ou d’œufs durs. L’étude ne permet toutefois pas de distinguer les plats industriels de plats cuisinés directement sur place. Beaucoup de cantines se voient en effet reproché l'usage de plats ultra-transformées, comme des galettes et saucisses végétales, qui servent d'alternatives à la viande.

Une première évaluation officielle devrait juger les effets de la loi EGalim dans les prochains mois. Le bilan de l'étude de Greenpeace permet déjà de montrer que le gouvernement a intérêt à mieux accompagner les collectivités s'il souhaite poursuivre et faire fructifier l'expérience.

« Maintenant, c’est à peu près acquis qu’un menu végétarien par semaine ne perturbera pas l’équilibre nutritionnel des enfants. Mais il faut que le gouvernement mette les bouchées doubles pour mieux informer et accompagner les collectivités », soutient Laure Ducos, chargée de campagne agriculture et alimentation à Greenpeace France. Pour les associations, les freins encore observés s’expliquent aussi par l’absence de sanction et de message politique fort. « Ce serait déjà bien d’avoir une simple déclaration du ministre de l’agriculture pour dire qu’il faut s’y mettre », avance Elyne Etienne.

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