La chair est triste hélas au Théâtre de l’Atelier avec Anna Mouglalis - notre critique

Par Caroline de Sortiraparis · Photos par Caroline de Sortiraparis · Mis à jour le 11 septembre 2025 à 11h26 · Publié le 22 août 2025 à 8h26
Cet automne, le Théâtre de l’Atelier à Paris présente la création "La chair est triste hélas", de et mise en scène par Ovidie. Et qui mieux que la comédienne Anna Mouglalis pour porter ce puissant texte sur scène. Un événement à ne pas manquer du 9 septembre au 25 octobre 2025. Découvrez notre critique.

La rentrée théâtrale à Paris s’annonce chargée en nouveautés. Parmi les événements à ne pas manquer, il y a « La chair est triste hélas ». Cette création, de et mis en scène par Ovidie, est à découvrir du 9 septembre au 25 octobre 2025 au Théâtre de l’Atelier à Paris.

« La chair est triste hélas » est un texte cathartique publié en 2023 aux Éditions Julliard (sous la direction de Vanessa Springora), signé Ovidie. À la fois autrice et réalisatrice de fictions et documentaires, Ovidie est également docteure en Lettres et Études filmiques, spécialisée dans les questions de corps, féminisme(s), sexualité(s). Avec « La chair est triste hélas », Ovidie explique les raisons de sa grève du sexe. Décrit comme un texte « à la croisée du pamphlet féministe et de l’étude sociologique », dévoilant une prose incisive, « La chair est triste hélas » s’invite donc sur les planches du Théâtre de l’Atelier cet automne.

Et pour porter ce texte engagé dans ce seul en scène inédit, Ovidie a choisi de faire appel à la comédienne Anna Mouglalis. C’est en 2000, dans "Merci pour le chocolat" de Claude Chabrol, que la jeune actrice est révélée au grand public. Dès lors, Anna Mouglalis enchaîne les rôles : "La vie nouvelle" (2002) de Philippe Grandrieux, "Novo" de Jean-Pierre Limosin, "Dans la compagnie des hommes" (2003) d’Arnaud Desplechin, "En attendant le déluge" (2004) de Damien Odoul, mais aussi plus tard "Coco Chanel et Igor Stravinsky" (2009) et "Gainsbourg, vie héroïque" (2010).

Cet automne, c’est donc au Théâtre de l’Atelier que l’on retrouve Anna Mouglalis. Un théâtre parisien qu’elle connaît bien. En 2019, elle y jouait aux côtés de Julie Brochen dans "Mademoiselle Julie" d’August Strindberg. Puis, en 2022, elle participait au spectacle "Sorcières" de Mona Chollet. Cet été, Anna Mouglalis s'est illustrée dans un nouveau genre au sein du collectif 100% féminin Draga, et véritablement fait sensation à la Cité de la musique dans "Ô Guérillères".

Notre critique

Messieurs, hétérosexuels, si vous comptez assister à ce seul en scène, alors préparez-vous, car vous allez en prendre pour votre grade ! Pendant 1h10, Anna Mouglalis porte avec force les mots tantôt cruels, tantôt railleurs, mais aussi les pensées féministes et les réflexions sociétales et sociologiques d’Ovidie dans « La chair est triste hélas ». Ici, il est question de sexualité, et plus précisément d'hétérosexualité. « Je le dis haut et fort, l'hétérosexualité n'a rien de gratuit, c'est un système purement vénal, et depuis que le monde est monde, les femmes échangent le sexe contre quelque chose. Des biens matériels, de la sécurité, de l'amour, de la revalorisation. Elles ne baisent jamais totalement gratuitement et ce pour une simple raison : les hommes hétéros baisent mal ».

Dans ce monologue corrosif, aux détails parfois crus, Ovidie raconte donc les raisons pour lesquelles elle a entamé cette grève du sexe et décidé de renoncer à l'hétérosexualité. « Arrêter le sexe avec les hommes, ce n'est pas juste arrêter le coït, c'est arrêter tout ce que cela implique d’être une femme et de constamment lutter pour rester désirable ».

Abordant le rapport à la beauté et à la séduction, mais aussi cette crainte d'être abandonnée et cette "servitude volontaire", le texte très personnel et puissant d'Ovidie se veut aussi politique. « Oui, je l’affirme, nous vivons sous le régime de la terreur, le terme est à peine exagéré. Terreur qu’ils nous harcèlent dans la rue ou sur les réseaux sociaux, qu’ils nous frappent, qu’ils nous violent, qu’ils nous tuent. Terreur qu’ils décident à notre place de notre contraception ou de notre volonté d’avorter. Nous avons intégré la peur, nous ne savons plus comment nous habiller, trop ou pas assez couvertes, en minijupe ou avec un voile, ils trouveront toujours quelque chose à redire. »

Mais « La chair est triste hélas » est également bien plus drôle qu'on ne le pense, avec des phrases marquantes et mordantes. « Pour l'instant, je n'en suis encore qu'au début de la quarantaine, cet âge cruel pour les femmes, cette date de péremption à partir de laquelle les hommes-consommateurs froncent le nez en nous évaluant, tels des yaourts encore mangeables mais pas loin de se vider de leur eau » ou encore « Les plus pathétiques, je crois, sont ceux qui cherchent désespérément des massages, par exemple. Quand un amant m'en propose un, je pars en courant ou je prends un Xanax, mais dans tous les cas, je décline. »

Dans la salle du Théâtre de l'Atelier, les femmes - jeunes et moins jeunes - sont largement majoritaires. Mais quelques hommes, parfois seuls ou bien accompagnés de leur compagne ou d'amies, ont toutefois fait le déplacement pour assister à ce seule en scène.

En choisissant Anna Mouglalis pour porter haut et fort son texte sur scène, Ovidie a visé dans le mille. Dans une interprétation magistrale, Anna Mouglalis multiplie les émotions de sa voix si grave : tantôt drôle et railleuse, tantôt furieuse et rageuse, tantôt meurtrie et profondément touchante, Anna Mouglalis se met véritablement au service de ce texte poignant et très intime, et dans le même temps si évocateur aux yeux de nombreuses femmes.

La comédienne n'hésite pas à slalomer au milieu d'une scénographie soigneusement pensée par Grégoire Faucheux. De la musique - signée Geoffroy Delacroix - est diffusée en même temps que des images mettant en scène des visages et des corps de femmes, projetées par intermittence sur des rubans découpés et disséminés aux quatre coins de la scène. Seul petit bémol, ces vidéos ne sont pas toujours bien visibles selon la place dans la salle. Aussi, si possible, préférez un siège plutôt central pour profiter pleinement de cette scénographie.

Ce texte, qui amène indéniablement à réfléchir, et cette très belle interprétation d'Anna Mouglalis, semblent avoir également séduit le public présent ce soir-là au Théâtre de l'Atelier. Les spectateurs n'ont pas hésité à se lever, une fois les lumières rallumées, pour applaudir vivement et féliciter la comédienne, ainsi qu'Ovidie, venue saluer l'assemblée pour l'occasion.

Informations pratiques

Dates et Horaires
Du 9 septembre 2025 au 25 octobre 2025

× Horaires indicatifs : pour confirmer l'ouverture, contactez l'établissement.

    Lieu

    1 Place Charles Dullin
    75018 Paris 18

    Calcul d'itinéraire

    Infos d’accessibilité

    Tarifs
    à partir de : 20€

    Site officiel
    www.theatre-atelier.com

    Réservations
    Visualisez les prix de cette billetterie

    Commentaires
    Affinez votre recherche
    Affinez votre recherche
    Affinez votre recherche
    Affinez votre recherche