La Commune de Paris : Retour sur l’histoire de l’insurrection parisienne

Par Manon de Sortiraparis · Publié le 12 avril 2021 à 22h24
Pendant 72 jours, du 18 mars au 28 mai 1871, les Parisiens se rebellent contre le gouvernement et prennent des mesures sociales et solidaires sans précédent. C'est la Commune de Paris. Retour sur l'histoire de cette insurrection parisienne majeure.

Mise en place dans la capitale du 18 mars au 28 mai 1871, la Commune de Paris est l'une des conséquences de la guerre franco-prussienne (1870-1871). Le 2 septembre 1870, l'empereur Napoléon III capitule à Sedan face aux forces prussiennes. Deux jours plus tard, le 4 septembre, malgré l'opposition du corps législatif et sous la pression des Parisiens en colère, Léon Gambetta annonce la déchéance de l'empereur. La République est proclamée et un Gouvernement de Défense Nationale est instauré, ce dernier promettant de continuer à lutter contre l'armée prussienne. 

Mais dès le 20 septembre, Paris est assiégée. Durant le Siège de Paris, les Parisiens meurent de faim, et plusieurs tentatives militaires échouent à faire libérer la capitale. Le 31 octobre 1870, une première tentative d'instaurer une Commune échoue également. 

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La colère gronde à Paris

En janvier 1871, les Parisiens découvrent que le Gouvernement de Défense Nationale, instauré quelques mois auparavant, s'entretient avec le chancelier allemand Otto von Bismarck afin de trouver un arrangement. Le 22 janvier 1871, nouvelle journée de soulèvement populaire au cours de laquelle la foule est visée par l'armée, mais qui n'empêche pas la capitulation de la capitale par la signature d'un armistice avec Bismarck, 6 jours plus tard, le 28 janvier 1871, au Château de Versailles.

De fait, en plus de livrer l'Alsace et la Lorraine à la Prusse, l'armistice avec le chancelier allemand impose l'élection et la convocation d'une assemblée nationale afin de décider d'une paix définitive. Mais les élections sont biaisées : sur les 638 députés élus au suffrage universel le 8 février 1871, près de 400 sont de tendance monarchiste, un peu plus de 200 sont républicains et 30 sont bonapartistes. En cause, l'occupation de nombreux départements par l'envahisseur qui empêche une partie des Français de se rendre aux urnes !

Dans la capitale, les Parisiennes et les Parisiens refusent toujours de se rendre et de reconnaitre la victoire prussienne, élisant de leur côté 37 députés républicains sur 43, parmi lesquels Victor Hugo ou encore Georges Clemenceau. L'écart se creuse entre la capitale, menée par une classe ouvrière politisée et ouverte aux idées républicaines, socialistes voire anarchistes qui souhaite une insurrection contre la Prusse; et la province qui requiert la paix.

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Une partie des Parisiens décide donc de prendre les armes, menés par la Garde Nationale et ses 180 000 membres recrutés pour faire face aux Prussiens. D'autant qu'Adolphe Thiers, élu à la tête de la IIIe République par la nouvelle assemblée, autorise les Allemands à défiler sur les Champs-Elysées le 1er mars 1871. C'est l'affront de trop. Par ailleurs, l'assemblée, délocalisée depuis le début du Siège de Paris à Bordeaux, décide de s'installer à Versailles, ville royaliste par excellence.

Point d'orgue le 18 mars lorsque le chef du gouvernement provisoire décide de faire arrêter Auguste Blanqui, figure du mouvement populaire, et d'envoyer des troupes contre les Parisiens, deux jours après avoir désarmé la capitale en réquisitionnant les canons achetés par souscription par les Parisiens pour combattre l'armée prussienne; c'est "l'affaire des canons".

Mais sur la Butte Montmartre sur laquelle les Parisiens ont rassemblé lesdits canons, les soldats fraternisent avec la Garde Nationale et les insurgés, grossissant leurs rangs. Ces évènements marquent le début de la Commune de Paris, mouvement révolutionnaire et gouvernement insurrectionnel, qui durera 72 jours. 

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Des mesures solidaires et sociales majeures

Le 26 mars, le comité central de la Garde nationale s'installe à l'Hôtel de Ville et organise des élections. 2 jours plus tard, le nouveau conseil municipal, républicain et socialiste, proclame la Commune sur la Place de l'Hôtel de Ville. Rapidement, cette dernière devient entièrement indépendante du gouvernement en place, et les classes populaires sont portées par cette nouvelle effervescence politique. Les Communards entendent, en effet, bousculer le pouvoir en place et mettre sur pied un nouvel ordre social favorable aux classes populaires

Dans son programme du 19 avril 1871, la Commune résume ainsi : "La révolution communale, commencée par l'initiative populaire du 18 mars, inaugure une ère nouvelle de politique expérimentale, positive, scientifique. C'est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l'exploitation, de l'agiotage, des monopoles, des privilèges, auxquels le prolétariat doit son servage, la Patrie ses malheurs et ses désastres." 

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Commence alors une intense activité législatrice, et de nombreuses mesures solidaires et sociales sont prises, bien qu'elles n'aient aucune légitimité aux yeux du gouvernement national : délai de règlement des dettes et des échéances allongé, pension pour les blessés, les veuves et les orphelins de la Garde Nationale, réquisition des logements vaquants aux profits des sinistrés des bombardements, création d'orphelinats, distribution de repas, ouverture de la citoyenneté aux étrangers, valorisation du statut de l'ouvrier et de ses droits, réquisition des ateliers des patrons déserteurs pour les coopératives ouvrières, interdiction des amendes patronales et des retenues sur salaires, proposition d'un salaire minimum... La liberté de la presse est également réaffirmée avec la création de nombreux journaux d'extrême-gauche dont Le Cri du Peuple, fondé par Jules Vallès. 

D'autres mesures sont prises dans le milieu judiciaire - mariage libre par consentement mutuel, gratuité des actes notariaux, perquisitions sans mandat interdites, inspection des prisons - mais aussi dans l'enseignement. Ainsi, l’enseignement est laïcisé et l'enseignement confessionnel interdit; les signes religieux sont enlevés des salles de classe; tandis qu'une commission planche sur l'instruction des filles, et que certains arrondissements rendent l'école gratuite en plus d'être désormais laïque et obligatoire. Le 2 avril 1871, la Commune décrète également la séparation de l'Église et de l'État, ainsi que la suppression du budget des cultes. 

La Commune marque aussi le début des luttes féministes, avec la création des premiers mouvements féminins de masse aux figures fédératrices comme Louise Michel, qui se battent pour le droit au travail, l'égalité des salaires entre hommes et femmes et le droit de vote pour les femmes. La Commune reconnait dès lors l'union libre, le divorce par consentement mutuel et commencera à mettre en place l'égalité salariale. 

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La Semaine Sanglante et la fin du mouvement insurrectionnel

Face à ces droits novateurs qui bousculent l'ordre établi, la colère gronde à Versailles où Alphonse Thiers bénéficie du soutien du chancelier Bismarck qui partage son désir de répression des Communards. Thiers monte alors une armée de 130 000 soldats sous le commandement du maréchal de Mac Mahon, pour reprendre Paris aux insurgés et à la Garde Nationale qui estime disposer de 170 000 hommes.  

Plusieurs batailles se tiennent durant les mois de mars et avril 1871 à Courbevoie, Rueil, Meudon, Moulineaux, Clamart ou encore Châtillon; mais les troupes versaillaises finissent par dominer les affrontements à leur entrée dans Paris au cours de la "Semaine Sanglante", du 21 au 28 mai 1871, et écraser le mouvement insurrectionnel. Dans la capitale, les Versaillais tuent tous ceux qui se trouvent sur leur passage, les femmes sont violées et les fosses communes se remplissent. Les Communards, hommes comme femmes, se battent sur les barricades et fusillent, en représailles, des prisonniers.

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Dans les rues de la capitale, nombre de monuments sont détruits tant par l'importance des combats qui s'y déroulent que par la volonté des Communards de mettre à mal les symboles étatiques. La colonne de la Place Vendôme, surmontée par une statue de Napoléon, est abattue le 16 mai. Le Palais des Tuileries, le Palais d'Orsay, le Palais-Royal, le Palais de Justice, le Palais de la Légion d'Honneur, la Bibliothèque Impériale au Louvre et le Ministère des Finances sont en partie incendiés - voire intégralement pour certains. Le 24 mai 1871, l'Hôtel de Ville de Paris est, lui-aussi, incendié, détruisant l'intégralité des archives de la ville. Les derniers combats se déroulent au cimetière du Père-Lachaise, le 28 mai 1871. 

Le nombre de Communards morts est estimé entre 20 000 et 30 000, contre 1 364 dans le camp versaillais. Par la suite, les mesures prises au cours des évènements de la Commune de Paris ont été revendiqués par la gauche marxiste, l'extrême gauche et les anarchistes, mais ont influencé les idées politiques bien au-delà. 

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