Perception, la délicate table franco-coréenne du chef Sukwon Yong

C'est avec une grande finesse et une délicatesse tout en retenue que le chef Sukwon Yong imagine, chez Perception, une cuisine bistronomique contemporaine qui se love avec délice et candeur dans les origines du chef, à grand renfort de mets venus de l'autre côté de la planète et des saveurs méconnues des palais parisiens. 

Né à Séoul il y a près de 40 ans, le chef coréen se passionne très tôt pour la cuisine mais se heurte à la sélection très élitiste des écoles de cuisine en Corée. Départ est donc acté pour Los Angeles, où il fréquente l’école Cordon Bleu, avant de s'envoler pour l'Australie puis d'arriver en France, où il intègre l'école Ferrandi. 

Sous l'aile bienveillante du chef William Ledeuil, Sukwon Yong rejoint les rangs de Ze Kitchen Galerie, avant d’intégrer en 2017 la Maison Rostang en tant que chef de partie viandes & sauces. Il devient par la suite chef au sein du restaurant Signature puis du Bistro Flaubert, avec toujours l'envie secrète et enfouie d'ouvrir sa propre adresse à Paris. 

C'est épaulé par le directeur de salle Barnabé Lahaye, ancien de la Maison Rostang où ils se sont rencontrés, que Sukwon Yong ouvre ainsi son premier restaurant baptisé Perception, non loin de Pigalle et de ses nuits agitées. Les deux compères se sont associés pour dévoiler leur vision de la cuisine, celle d'une gastronomie ancrée dans le terroir français mais transportée par petites touches vers la Corée.

Chez Perception, pas de plat emblématique de la Corée - n'escomptez pas y trouver un bibimbap - mais une cuisine dont les bases sont tricolores et qui vient piocher, ici et là, les produits, saveurs et techniques coréennes qui font l’âme du chef Yong. Rigoureux, le duo s'est entouré d'une base solide de producteurs et d'artisans qui leur assurent des arrivages quotidiens de produits bien élevés, toujours dans une démarche vertueuse et écoresponsable. Seul écart à cet engagement, le café qui provient de Corée du sud, oeuvre de Yondong, torréfacteur star de l’île de Jeju, élu meilleur torréfacteur du monde en 2020. 

Dès l’entrée, le ton est donné, avec ces soba et maquereaux dans un bouillon dashi aux coquillages - de son passage auprès de William Ledeuil, il reste à Sukwon Yong son amour des bouillons soignés ; et ces sashimi de daurade, finement et délicatement tranchés, assortis d'un tarama blanc à la mangue, osé, de mangue verte, de dashimas marinées et relevés d'une vinaigrette black bean. 

Pour les plats, le chef Sukwong Yong maîtrise ses gammes françaises et s’autorise une volaille fermière contisée au beurre coriandre et mélisse, de quoi parfumer en profondeur les chairs, mariée au chou-fleur - en purée, aux broccolinis et magnifiée d'une sauce thaï épicée. France et Corée se renvoient la balle, alternant à l'envi saveurs d'ici et d'ailleurs. 

Notre coeur fond pour la distinction de ces berlingots de chou-rave, renfermant un confit de poireau au tom yam, subtilement posés sur un bouillon perlé à l'huile de ciboulette, aux côtés d'un lieu jaune tout juste saisi à la plancha ; mariage harmonieux. 

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En dessert, le sucre se fait discret, à la manière des néo-desserts français et dans la plus pure tradition des desserts coréens et japonais. Subtile, ce dessert autour du kiwi frais, avec gelée à la camomille, arlette et sorbet au kiwi et citron vert. Mais les envies plus chocolatées seront contentées par cette tartelette chocolat et huile de sésame, glace chocolat et algue nori. 

"Au pays des matins calmes, pas un bruit ne sourd" fredonnait Bashung, mais chez Perception, la gastronomie jaillit avec fougue et fracas, scellant l'union élégante et sensible de la France et de la Corée.